Le polo 100% français pousse sur les coteaux du Gers
Entre maïs et tournesol, à Montréal-du-Gers, un trio familial concrétise une idée folle et unique dans l’Hexagone : produire un polo 100% made in France à partir du coton cultivé sur leur exploitation. La précieuse fibre est, ensuite, tissée par une filature des Vosges et transformée dans un atelier de confection de l’Aube.
C’est sur les coteaux du Gers, à la limite des Landes et du Lot-et-Garonne, que l’on trouve l’unique cotonneraie de l’Hexagone. Johan de Wit, son beau-frère Médéric Cardeillac et son frère Samuel, agriculteurs et entrepreneurs agricoles, étaient en quête de diversification de cultures céréalières, doublée de la volonté de réaliser un produit fini. D’où l’idée de cultiver du coton pour produire un polo 100% français.
Cette originale et extraordinaire aventure est née dans l’esprit de trois trentenaires issus d’une même famille, particulièrement audacieux et entreprenant. Du coton au pays du foie gras, et pourquoi pas ! Et file l’aventure pour cet arbuste originaire d’Inde ! Avec l’idée de maîtriser la chaîne de production de la matière première au produit fini. De fibre en fil, se tisse ainsi la naissance de la société Jean Fil.
File l’aventure
En 2016, les apprentis cotonniers achètent six graines dans une jardinerie en ligne. Ils trouvent les essais concluants, prennent contact avec un semencier européen pour une variété la plus précoce possible et plantent deux hectares sur des terres argilo-calcaires du Gers. «Comme le coton est une plante des pays tropicaux, nous perdons certes un peu de rendement à cause du climat, mais nous n’arrosons pas, les sols conservent très bien l’humidité, l’hydrométrie locale permettant une irrigation naturelle.»
Semée avec un espacement de 80 cm au printemps 2017, à l’aide d’un semoir monograine Sola acheté d’occasion, la plante fait une première fleur jaune. Très rapidement fécondée, elle passe couleur ivoire, tombe et devient une capsule ovoïde à quatre ou cinq loges de six à douze graines. Le fruit grossit jusqu’à l’éclatement de la coque et l’apparition des fibres de coton.
Une production maîtrisée du champ à la confection
Les premières fleurs de coton ont été ramassées à la main à l’automne 2017 d’où a été extraite une centaine de kilos de fibres. Mais pour la fabrication des polos griffés de la marque Jean Fil, le trio familial délègue à des partenaires exclusivement français et de haut de gamme les différentes étapes de transformation.
La matière première a été confiée à Valrupt Industries, une filature des Vosges. Les étapes suivantes se poursuivent un peu plus au nord, à Troyes, chez Aube Tricotage, puis chez France Teintures, Chanteclair pour la confection, et Sobrefi Sédimar pour la broderie. Les cent premiers polos de ce coup d’essai, numérotés et vendus 120 euros, ont été écoulés en un mois et exclusivement en ligne.
Déclinaison cotonnière
Fort de cette première expérimentation mais d’un modeste chiffre d’affaires, nos entrepreneurs optent, cette année, pour une variété plus précoce, doublent la surface et achètent une moissonneuse-batteuse d’occasion à un contonnier d’Andalousie. «C’est un coton picker de base, Case International, qui brosse la plante, récupère la fibre blanche dans des doigts et l’envoie par aspiration dans la trémie à l’arrière.» À mi-octobre, elle a ramassé 4 hectares de coton, plus sec et de qualité identique à celui d’Espagne et de Grèce.
Sur l’exploitation agricole, le coton brut est alors soumis à un processus d’égrenage et de soufflage pour obtenir la fibre de coton propre qui est ensuite mise en balles de 120 kg pour la fabrication de fil textile. À Montréal-du-Gers, après le polo, on vise aussi d’autres débouchés : avec les graines, on développera une gamme d’huiles à vocation cosmétique et les abeilles des ruches implantées sur le terrain élaboreront du miel de coton.
Gilbert Delahaye