Le retrait du glyphosate mettra 3 exploitations sur 4 en difficulté
Selon une enquête de quatre instituts techniques (Arvalis, Fnams, ITB, Terres Inovia) pilotée par l’ACTA et publiée le 17 avril, plus de trois agriculteurs français sur quatre n’identifient pas d’alternatives au désherbant.
Après l’interdiction de son usage dans une majorité d’espaces publics en 2017, le glyphosate est interdit pour les particuliers depuis 2019. L’élargissement attendu de ces restrictions ou interdictions au monde agricole soulève de nombreuses questions autour de son utilisation actuelle (quels types d’usage, quelles fréquences, quelles doses, dans quel contexte, etc.) et des alternatives de remplacement.
10.183 agriculteurs sondés
C’est pourquoi, l’ACTA (Association de coordination technique agricole) et quatre instituts techniques (Arvalis, Fnams, ITB et Terres Inovia) ont mené un sondage auprès des cultivateurs sur l’utilisation du glyphosate. Sur la base du volontariat, 10.183 agriculteurs, contactés par mail essentiellement, ont accepté de répondre à cette enquête en ligne lancée l’été dernier.
Au travers des réponses, il s’agissait de mieux connaître les usages de l’herbicide dans les systèmes de grandes cultures et de recueillir les avis, interrogations et perspectives des producteurs sur l’interdiction programmée de cet herbicide en France.
Premier enseignement 94,8% des répondants utilisent du glyphosate, ponctuellement ou régulièrement, sur toute ou partie de l’exploitation. «Nous sommes donc loin de l’hypothèse généralement avancée d’une utilisation de glyphosate exclusivement en non-labour», notent les instituts. Deuxième enseignement ils sont 77,5% à dire ne pas savoir comment faire sans cet herbicide.
Sur l’ensemble des répondants, seuls 352 n’utilisent plus de glyphosate. Leurs méthodes de gestion des adventices passent par une modification de système (agriculture bio) ou bien par un changement de rotation (allongement) et de travail du sol (labour, faux-semis, etc.). «Il n’y a donc pas de solutions “novatrices” à court terme pour compenser l’absence de glyphosate» concluent les quatre instituts techniques.
À noter également que ces exploitations en agriculture biologique ou en cours de conversion sont globalement plus petites (91 ha en moyenne) que celles en agriculture conventionnelle (140 ha).
L’enquête relève quatre usages majeurs, retrouvés chez plus de la moitié des utilisateurs du glyphosate lutte contre les vivaces ; destruction de repousses ou d’annuelles en interculture courte d’été ; destruction de repousses ou d’annuelles en interculture longue ; entretien des bords de ferme.
Il apparaît que les répondants en système labouré sont plutôt des utilisateurs ponctuels de glyphosate (1 année sur 3), sur des surfaces limitées (moins de la moitié de l’exploitation), à des doses assez importantes. À l’inverse, les répondants en non-labour sont des utilisateurs plus fréquents de glyphosate (tous les ans), sur des surfaces importantes (toute la SAU traitée) mais à doses faibles.
«Ces usages, surtout d’interculture, sont pleinement justifiés car efficaces et peu chers», précise l’étude. Ce qui fait dire aux quatre instituts que «l’élément important à retenir est que l’usage de glyphosate n’est pas irraisonné il est utilisé dans des situations le requérant».
Interrogés sur d’éventuelles solutions, les utilisateurs de glyphosate déclarent à 90% vouloir intensifier les déchaumages et passages mécaniques avant le semis, à 84% les faux semis, à 75% les interventions mécaniques dans les intercultures et les cultures, à 55% le labour.
Travail du sol intensif
Ce recours au travail du sol implique de se rééquiper pour 67% d’entre eux, avec «d’importantes conséquences économiques (investissements), agronomiques (érosion, matière organique…), environnementales (consommation de carburant, bilan carbone…), organisationnelle (capacité à travailler toute la surface, main-d’œuvre, jours disponibles)», soulignent les instituts.
D’autres inquiétudes sur la fin du glyphosate portent sur «de probables recrudescences de vivaces et d’adventices annuelles», voire des risques sanitaires accrus (ergot, adventices allergisantes ou toxiques). «La viabilité d’exploitations ou de systèmes» est même remise en cause, à l’instar de l’agriculture de conservation des sols.
En répondant à cette enquête, les agriculteurs ont exprimé leurs nombreuses inquiétudes sur l’après glyphosate. Par ailleurs, ils pointent, les «incohérences» liées au retrait du produit, dans leurs commentaires libres. Notamment, le retour à un travail du sol intensif va à l’opposé des objectifs nationaux de réduction du CO2 et des exigences de gestion des couverts obligatoires dans le cadre de la directive Nitrates.
Qui sont les utilisateurs de glyphosate ?Les agriculteurs en système de labour sont plutôt des utilisateurs ponctuels de glyphosate (une année sur trois), sur des surfaces limitées (moins de la moitié de l’exploitation), à des doses assez importantes (environ 3 l/ha, variables selon les usages jusqu’à 5 l/ha sur les vivaces).
À l’inverse, les agriculteurs en système de non-labour sont des utilisateurs plus fréquents de glyphosate (tous les ans), sur des surfaces importantes (toute la SAU traitée) mais à doses faibles (environ 1 l/ha, voire moins en interculture d’été). Les quatre instituts techniques réalisateurs de l’enquête (Arvalis, Fnams, ITB, Terres Inovia) rappellent que les doses homologuées, pour une spécialité à 360 g/l de glyphosate, varient de 3 à 7 l/ha en fonction de la cible visée. |
Utilisation du glyphosate en fonction des usages autorisés
Six usages du glyphosate ressortent comme prépondérants (au-delà de 30% d’utilisateurs), et quatre comme majeurs (au-delà de 50%). Ces quatre derniers sont la lutte contre les vivaces, la destruction de repousses ou annuelles en interculture courte d’été, la destruction de repousses ou annuelles en interculture longue, l’entretien des bords de ferme. En regroupant les quatre principaux usages, nous arrivons à un taux de réponse de 77,9%, très largement en tête des usages, avec l’usage “vivaces” à 73,2%.