Le Sud-Ouest défend son droit à produire
En manifestant devant les grilles de la préfecture de Mont-de-Marsan, les 600 agriculteurs du bassin de l'Adour qui ont répondu à l'appel de la FDSEA et des JA des Landes, ont adressé un avertissement clair à l'administration et à l'État. Ils attendent notamment que le ministre défende le mulching à Bruxelles.
Les agriculteurs en colère, accompagnés d'une trentaine de tracteurs, ont défilé dans les rues de Mont-de-Marsan. © Le Sillon
Ils étaient environ 600 à manifester au rythme des klaxons et des cornes de brume dans les rues de Mont-de-Marsan jeudi matin, accompagnés d'une trentaine de tracteurs aux remorques bien remplies. Des agriculteurs landais, mais aussi des Pyrénées-Atlantiques, du Gers et du Lot-et-Garonne. Le matin, avant le lever du jour, les JA avaient donné le “la†de cette journée en bàtissant un «mur de la colère» devant l'entrée de la DDTM.
«Il s'agit d'empêcher notre administration chargée de l'agriculture de travailler, comme elle nous empêche de travailler avec ses réglementations paralysantes qui s'accumulent» explique François Darbo, secrétaire général des JA landais. Et de citer les contraintes liées au verdissement, aux zones vulnérables, à l'entretien des cours d'eau, à la suppression de molécules ou encore à la création de retenues d'eau. «On lui demande seulement la liberté de travailler et de nous accompagner dans nos projets, plutôt que de nous mettre des bàtons dans les roues!»
À 26 ans, le jeune agriculteur installé à Souprosse est inquiet pour l'avenir. Son exploitation est située dans la nouvelle zone vulnérable. «On ne sait pas pourquoi on nous y fait entrer Sans doute fallait-il élargir la zone. Je sais en tout cas que le programme que l'on veut nous appliquer va réduire ma période d'épandage et qu'il m'imposera la construction d'une fumière. De l'investissement non productif à une période où les marges sont déjà tendues!». Il dénonce cette «écologie bureaucratique qui ne fait pas avancer les choses», qui ne sait pas voir les efforts que fait la profession pour protéger l'environnement.
Politiques incohérentes
Le groupe de JA «maçons» ne décolère pas: «Il faudrait arrêter avec les clichés, on ne veut pas devenir de gros agriculteurs pollueurs. On veut juste que nos exploitations nous permettent de vivre et de créer de la richesse dans le département». Denis Lafargue, président du syndicat landais, renchérit: «Dans la région, on a des industries qui demandent des volumes tant dans les filières animales que végétales et on nous empêche de les produire! Où est le redressement productif?».
Ces regrets, cette colère, ces revendications étaient dans toutes les bouches lors du défilé de la place des arènes à la mairie de Mont-de-Marsan, non sans un arrêt à la préfecture. De toutes ces contraintes réglementaires, il en est une, la dernière arrivée, que les agriculteurs redoutent particulièrement: la mesure de verdissement de la nouvelle PAC, pour la diversité d'assolement qu'elle impose. «L'AGPM se bat depuis des mois pour défendre la monoculture du mais dans les zones où elle est particulièrement adaptée au contexte pédoclimatique. De plus, cette plante fabuleuse qu'est le mais a rendu possible nos filières animales de qualité» argumente Daniel Peyraube, trésorier à l'AGPM.
La spécificité du mais
La diversité de productions (animales et végétales) dans le Sud-Ouest comme la diversité de mais (doux, semence, grain) n'ont pas été reconnues. «Nous n'avons pas été entendus sur ces arguments» déplore-t-il. Ne reste à défendre que le mulching comme équivalence de pratique de culture. «C'est l'idéal pour le sol et pour l'environnement, intervient Jean Bernard Testemale, agriculteur à Sault-de-Navailles. Et nettement plus profitable qu'une culture implantée dans de mauvaises conditions, comme c'est souvent le cas pour une culture d'hiver. Celle-ci nécessitant par ailleurs souvent plus de produits phytos qu'un mais, une des plantes les moins exigeantes en traitements». Christophe Terrain, président de l'AGPM poursuit: «Nous demandons à l'État de défendre le mulching à Bruxelles. Il ne coûte pas un sou aux pouvoirs publics et répond à un réel besoin de nos petites exploitations d'Aquitaine avec élevage».
À côté, un petit groupe d'agriculteurs ironise: «Ce gouvernement a besoin qu'on sorte dans la rue pour entendre! On compte sur cette manif pour que le ministre porte enfin le dossier à Bruxelles, qu'il soutienne notre dossier et défende notre agriculture créatrice d'emplois». Un autre éleveur affiche son agacement: «Le Foll se targue de soutenir les éleveurs. Qu'il le fasse chez nous! Sinon beaucoup ne tiendront pas le coup».
En attendant le 17 décembre
Lors de la rencontre de la délégation landaise avec le préfet Claude Morel, ce dernier s'est vu remettre, outre divers «cadeaux» plus ou moins odorants sur le parvis de la préfecture, un recueil des incohérences, des lourdeurs de l'administration: «L'IFN (interprétation facilitatrice des normes) pour les nuls». Les manifestants se sont dispersés, non sans avoir assuré qu'ils restaient mobilisés jusqu'au 17décembre, date à laquelle le ministre Le Foll annoncera la mouture française de la PAC. «Si le mulching n'apparaît pas dans ce texte, nous allons changer de ton dans la rue!» a lancé Christophe Barrailh, président de la FDSEA des Landes.
Dominique Maurel