L’épizootie d’influenza s’emballe avec un virus d’une contagiosité extrême
Alors que la contagiosité inattendue du virus provoque une envolée du nombre de foyers dans le Sud-Ouest mais aussi en Europe, «on peut imaginer que l’on va vivre la même situation que l
Étant donné la vitesse à laquelle évolue le nombre de foyers et de suspicions d’influenza aviaire ces derniers jours, il est extrêmement difficile de dresser la situation épidémiologique précise. En milieu de semaine, les chiffres faisaient état de 132 foyers en élevages en France, dont 120 dans le Sud-Ouest et de plus d’une trentaine de suspicions en attente de résultats.
Dans les Landes, des premiers cas ont touché la Chalosse en fin de semaine dernière. Les nouveaux foyers s’étendent à la manière d’une tache d’huile, avec la constatation d’un milieu fortement contaminé comme en témoignent les résultats de certaines analyses réalisées lors des opérations de dépeuplement. Un cluster a également été identifié dans les Pyrénées-Atlantiques. Des cas en dehors des zones jusque-là réglementées ont aussi été repérés dans le Lot-et-Garonne et dans les Hautes-Pyrénées.
Ce niveau de circulation traduit la présence d’un virus doté d’une capacité de propagation jamais vue. Samedi dernier, lors d’une réunion en visioconférence organisée par la FDSEA des Landes à destination de ses adhérents, Jean-Luc Guérin, de l’école nationale vétérinaire de Toulouse, est longuement revenu sur cet aspect. «À l’échelle européenne, on a un événement encore supérieur de plusieurs crans par rapport à l’an dernier, alors que l’on pensait avoir atteint le summum en matière d’exposition et de virulence du virus», a-t-il expliqué en préambule. Des explosions de foyers sont effectivement observées en Grande-Bretagne ou en Italie du Nord par exemple.
Les volailles de chair davantage touchées
Si le virus qui frappe cette année est proche de celui de l’an dernier, il présente toutefois quelques différences. «On voit que l’on a affaire à un adversaire redoutable, avec un virus qui est capable de bouger, note Jean-Luc Guérin. Rapidement, on s’est rendu compte par exemple d’une infectiosité sur le poulet un peu plus importante que l’an dernier». En pratique, environ 60% des foyers sont liés à des élevages de palmipèdes et 40% en volailles de chair. L’année dernière, ce rapport était plutôt de 80/20.
«Et puis ce virus dispose de propriétés que nous connaissions déjà qui consistent notamment à pouvoir relarguer des particules virales en masse pendant plusieurs jours avant que ne débutent les signes cliniques», poursuit l’enseignant-chercheur. Une durée d’incubation de 5 à 7 jours est mentionnée.
Le spécialiste des maladies aviaires note également les difficultés pour parvenir à expliquer la survenue de certains foyers. «On sait qu’il y a eu au départ quelques introductions par la faune sauvage. Ensuite, on a affaire à des diffusions… On a observé à un moment donné un freinage dans cette diffusion, qui a été sans doute un bénéfice lié aux mesures de protection qui ont été mises en œuvre et en particulier la mise à l’abri… Le problème, c’est qu’il arrive un moment où le niveau d’exposition est si élevé que les mesures de freinage sont susceptibles d’être dépassées.»
Des trous de souris
Plusieurs sources possibles de diffusion sont évoquées. «En proximité, on sait que l’aéroporté peut fonctionner sur plusieurs centaines de mètres, avec des poussières pleines de virus, poursuit Jean-Luc Guérin. Ensuite, il y a aussi le phénomène de pollution de l’environnement qui peut impliquer les véhicules, y compris ceux non-professionnels, mais aussi les personnes, qui peuvent faire voyager les particules virales. C’est un virus qui passe par un trou de souris. C’est-à-dire que des quantités infimes arrivent à infecter les animaux.»
Jean-Luc Guérin partage le désarroi des producteurs et fait observer que les efforts déployés, pourtant utiles, ne sont pas récompensés. «Nous sommes tous en difficulté. Ces mesures de protection sont à mon avis raisonnables et vont tout à fait dans le bon sens. Mais face à ce risque biologique là, face à ce virus-là, et dans ce contexte local là, elles sont dépassées… Collectivement, on ne prend certainement pas encore suffisamment la mesure de l’extrême contagiosité de ce virus.»
Les premiers enseignements techniques de cette nouvelle crise renvoient donc à des marges de progrès potentielles en termes d’étanchéité entre les zones civiles et professionnelles notamment. Jean-Luc Guérin souligne aussi les perspectives offertes par les avancées sur le sujet de la vaccination, annoncées par le ministre de l’Agriculture. «Si elle touche au but, la vaccination ne sera pas là pour remplacer ce qui a été fait, mais ce sera un complément pour rendre plus efficaces les mesures de biosécurité en faisant baisser la pression virale».
Fabien Brèthes