Les bergers pyrénéens, unanimes, ne veulent pas de réintroduction d’ours
Avec son projet de réintroduction d’ours en Béarn, le ministre de l’Environnement aura réussi ce tour de force de fédérer la quasi totalité des organisations professionnelles agricoles des Pyrénées. Ces dernières, réunies sous la même bannière, ont affiché leur détermination à s’opposer au projet de Nicolas Hulot et appellent à une grande manifestation ce lundi 30 avril à Pau.
«Nicolas Hulot ne sera pas le ministre qui aura la peau des bergers.» Le ton est donné par Olivier Maurin, président de la Fédération transpyrénéenne des éleveurs de montagne (FTEM). Il témoigne, tant sur la forme que sur le fond, de la détermination des agriculteurs à faire capoter le projet de réintroduction de deux ourses en Béarn. Le premier acte de cette mobilisation se jouera ce lundi 30 avril à Pau. Les organisations agricoles (FDSEA, JA, chambres d’agriculture, ELB, AET3V, FTEM, ASPAP) appellent à un grand rassemblement, dont le départ sera donné à 10h30 de la gare.
La motivation des bergers touche à son paroxysme. «La montagne, c’est chez nous, lâche Jean-Pierre Pommiès, co-président de la FTEM. Il n’y aura pas de réintroduction d’ici cet automne en Béarn, on vous le garantit. On y laissera la couenne s’il le faut». Car, dans l’esprit de la profession agricole, l’idée d’une cohabitation avec les grands prédateurs a fait son temps. Elle est, assurent-ils, impossible. L’exemple vient de l’Ariège, qui concentre 90% de population ursine du massif pyrénéen.
«La montagne, c’est chez nous»
Rémi Denjean, éleveur ariégeois porte-parole de l’ASPAP (Association pour la sauvegarde du patrimoine d’Ariège-Pyrénées), en témoigne : «L’été dernier, les attaques ont été multipliées par 4. Et les mesures de protections ne marchent pas (N.D.L.R. : gardiennage des troupeaux, parc de contention, chiens de protection…). En Ariège, 100% des estives qui mettent en place ces mesures ont été attaquées par l’ours».
Relevant que, de mémoire, «c’est la première fois que tous les syndicats agricoles, ou presque, sont unis sous la même bannière, avec une cause commune, des soucis communs et un objectif commun», Bernard Layre, président de la FDSEA des Pyrénées-Atlantiques, défend lui aussi «l’incompatibilité entre élevage et grands prédateurs». Selon le responsable syndical, «il y a une déconnexion entre le désir urbain et les réalités rurales, agricoles et pastorales». Quant à la concertation évoquée par le gouvernement, et qui doit être conduite par le préfet, Bernard Layre estime que «c’est plutôt une réunion d’obligation pour mettre en place des mesures, ce n’est pas une réunion de concertation. On est dans une dictature moderne, pas dans une démocratie».
Selon les syndicats, Jeunes Agriculteurs en tête, le projet de Nicolas Hulot pourrait également mettre un sérieux coup d’arrêt à la dynamique d’installation en montagne. «L’ours sera-t-il un facteur attractif pour les jeunes qui souhaitent s’installer sur le massif pyrénéen?, interroge Iban Pébet, président des JA. Le combat que l’on mène aujourd’hui, c’est pour que dans 40 ans nos vallées, nos montagnes, puissent vivre sereinement».
Une question de biodiversité
Les représentants de la profession agricole mettent aussi en avant la préservation de la biodiversité pour justifier leur opposition à la réintroduction. «La montagne et ses paysages magnifiques sont à tout le monde, souligne Laurent Irigaray, représentant d’ELB. C’est parce qu’il y a des bergers que les espaces sont ouverts. La biodiversité est riche grâce au pastoralisme, pas à l’ours. L’ours comme le loup, c’est joli dans un zoo. La montagne n’est pas un zoo». Bernard Layre d’ajouter : «Qu’amène l’ours, aujourd’hui en termes de biodiversité ? Contrairement à l’activité pastorale, strictement rien. Et c’est prouvé.»
La dialectique et le positionnement de certaines associations écologistes sont également dans le viseur des éleveurs. «Derrière l’argument de la biodiversité, c’est juste une question d’argent, lance Olivier Maurin. Ce n’est pas l’ours mais l’argent de l’ours qu’ils veulent. On va dénoncer ces mensonges et cette propagande des associations écologistes et essayer de rétablir la vérité».
Le message des éleveurs ne souffre d’aucune ambiguïté. «Nous n’abandonnerons pas nos montagnes, prévient Rémi Denjean. Il faut arrêter cette mascarade. En maintenant son projet, l’État va déclencher une guerre». Et Olivier Maurin de renchérir : «Le gouvernement devra assumer le climat de conflit qu’il instaure. On se défendra, coûte que coûte».
Y. Allongue