Les données premières source de revenus des plateformes numériques
Échanger des parcelles, vendre en direct, louer du matériel… Les plateformes numériques sont partout et le monde agricole ne fait pas exception. Cependant, bien souvent, l’outil que propose le service proposé ne représente qu’une face du marché des sites Internet, la vente de données est généralement un autre des piliers de sa rentabilité.
Les plateformes numériques sont omniprésentes dans la vie de tous les jours. Elles jouent un rôle majeur dans l’économie actuelle. Tous les citoyens, ou presque, les utilisent, que ce soit pour s’orienter, pour se déplacer en transport en commun, pour communiquer, pour faire ses courses, etc. 100% des moins de 35 ans se connectent tous les jours sur internet et environ deux tiers de la population l’utilise comme première source d’information.
Difficile, donc, de passer à côté de ces outils qui entraînent des changements de paradigmes importants dans les relations et l’économie. Comme le décrit Christophe Bénavent, professeur à l’université de Paris-Nanterre, «les plateformes sont des nouveaux acteurs qui se placent au-dessus de l’économie, en architecturant et en connectant les marchés». Pour Sophie Reboud, de la Burgundy School of Business, ces bouleversements concernent même les activités réputées les moins technologiques, comme l’alimentation.
Un secteur agroalimentaire bousculé
En effet, en 2017, Amazon a racheté Whole Foods Market, l’une des enseignes alimentaires américaines les plus en vue. «Quelque chose est en train de vibrer dans le monde agricole», précise Christophe Bénavent. Ces changements ne sont pas sans inquiéter les acteurs de l’agroalimentaire, un secteur qui en France, est, selon Sophie Reboud, lié aux terroirs, aux traditions, aux recettes. Comprendre le fonctionnement et le modèle économique des plateformes est donc essentiel pour le monde agricole.
Une plateforme est capable d’amasser une immense quantité de données à partir des activités de ses utilisateurs. Ainsi, une application de jogging comme Strava qui enregistre les parcours, la vitesse des coureurs…, est capable, à partir des données fournies par ses millions d’utilisateurs, de reproduire les cartes des grandes villes sans même employer un géomètre, mais seulement, comme le pointe Christophe Bénavent, «des coureurs consentants qui travaillent pour l’application en l’utilisant».
Des cartes que l’application pourra revendre aux collectivités territoriales, aux constructeurs… La première rémunération des plateformes est donc la vente de données. Pour le professeur d’université, «une application utilisant les capteurs des tracteurs pourrait revendre ses données pour fournir à des clients le cadastre des campagnes françaises».
Capitaliser sur le travail ou sur des actifs non utilisés
Ainsi, les plateformes se positionnent souvent sur deux marchés en même temps, vente de données d’un côté et vente d’un outil pratique pour les utilisateurs de l’autre. Afin de maximiser la vente de données, et donc d’avoir un maximum d’utilisateurs, elles font régulièrement le choix de vendre leur outil à perte afin d’augmenter leurs profits. «Le monde numérique fonctionne pour avoir un grand nombre de consommateurs à valoriser par la suite», insiste Christophe Bénavent.
Les outils développés par les plateformes s’appuient principalement sur la coordination d’activités, il s’agit pour l’universitaire de leur plus grande force. Par exemple Doctolib, que 30% des médecins français utilisent, permet de coordonner les activités du médecin et du patient. Les plateformes peuvent capitaliser sur le travail ou sur des actifs non utilisés. Strava capitalise sur le travail de ses 28 millions de géomètres gratuits. Une plateforme comme WefarmUp capitalise sur la rentabilisation de tracteurs non utilisés en permettant aux agriculteurs de les proposer à la «location».
Cependant, pour exister et être rentables, les plateformes doivent préserver leur légitimité; une bonne réputation est un des fondements de leur réussite.