Les ganadérias landaises n’ont plus les moyens de nourrir leurs bêtes
Sans plus aucun revenu, les éleveurs de coursières se tournent vers la solidarité du monde agricole pour subvenir aux besoins de leurs animaux.
Le téléphone de la ganaderia de Buros, à Escalans (Landes), ne sonne plus guère que pour annoncer des annulations. D’ordinaire, à cette époque de l’année, Jean Barrère fait découvrir les traditions gasconnes et la course landaise à de nombreux visiteurs au sein de son élevage de coursières. «Chaque année, nous accueillons environ 8.000 personnes. Mais sur les seuls mois d’avril, mai et juin, ce sont déjà 64 groupes qui ont annulé leur venue.»
La crise sanitaire du Covid-19 est en train de provoquer «une catastrophe en termes économiques» pour lui et la douzaine d’autres ganaderias landaises. «Avec l’annulation des fêtes de village, il n’y aura pas de courses landaises cet été. Et même si certaines pouvaient être organisées indépendamment, les mesures à respecter, telles que la distanciation, font peser des incertitudes bien trop grandes, poursuit l’éleveur. En Espagne, par exemple, les spectacles taurins seront autorisés à condition de garantir un espace de 9 mètres carrés à chaque spectateur. Cela revient à ne mettre qu’une seule personne là où habituellement il y en avait neuf… Pour les organisateurs, ce ne sera pas rentable. Sans compter que, même si tout le monde est disposé à appliquer les protocoles préconisés, il faudra redonner suffisamment confiance au public pour le faire revenir vers les fêtes et consommer…».
Une cagnotte sur Leetchi
Sans activité, plus aucun revenu ne rentre dans les caisses des ganaderias landaises. «Par contre en face, les charges restent constantes.» Les éleveurs s’inquiètent, notamment, pour l’approvisionnement en fourrages. «Pour l’instant, il y a les prairies, ça ne pose pas de problème. Mais nous allons avoir besoin de foin pour la saison hivernale et là, ça va être compliqué. L’an dernier, pour mes 90 animaux, j’ai acheté pour 13.000 euros de fourrages. Une somme que je ne pourrais pas me permettre de dépenser cette année. Et je ne suis pas le plus à plaindre. Certains collègues ont jusqu’à 350 têtes à nourrir…».
Pour faire entrer un peu d’argent dans les caisses de l’exploitation, l’épouse de Jean Barrère s’est fait embaucher dans les vignes comme saisonnière. Et d’ores et déjà, plusieurs élevages ont envisagé, voire entrepris, de sélectionner des bêtes à abattre pour diminuer les charges. «C’est une situation très exceptionnelle, mais nous n’avons pas d’autre solution.»
Générosité et solidarité
Heureusement, la solidarité s’organise. Pour venir en aide aux ganaderias et aux centres équestres touchés par les mêmes problématiques, la chambre d’agriculture a mis en place une opération de solidarité fourragère. Jean Barrère s’est inscrit pour pouvoir en bénéficier. «Grâce à cela, j’ai eu la possibilité d’acheter à un agriculteur de Lagrange du fourrage à 7€ la boule contre 22 à 25€ normalement. Toute spéculation est mise de côté. Il y a un fort élan de solidarité et ça fait chaud au cœur.»
Les ganaderias ont également pu compter sur le soutien de l’Association des jeunes coursayres. En partenariat avec la peña Lou Bèroy (Le Houga) et le magazine La Cazérienne, elle a lancé une cagnotte sur Leetchi. Baptisée «Aidons nos ganaderos landais», elle a, d’ores et déjà, collecté plus de 23.000€. «Grâce à cette somme, chacun des douze ganaderos landais a reçu 60 boules de foin et 2 tonnes d’aliment», remercie Jean Barrère.
Pour passer la saison, le ganadero a besoin de 450 boules de foin. «Avec les 60 que l’on m’a données et les 274 dont j’ai fait l’acquisition, il m’en manque encore une centaine. Avec une bonne rotation dans les pâturages ce printemps et cet été, je devrais pouvoir gagner un peu sur la consommation…». Jean Barrère veut «rester confiant» dans l’avenir. Malgré tout, «pour une fois, je mesure combien des annulations de charges seraient bien plus nécessaires que des reports d’échéances…» lâche-t-il avec une pointe d’amertume.
Cécile Agusti