Les marchés à terme, enfants de la dérégulation économique
Il existait 12 marchés à terme en France en 1936. Après avoir été interdits, ils reviennent en scène en 1993.
C'est la dérégulation économique des marchés agricoles entreprise par l'Union européenne qui favorise depuis quelques années leur développement en Europe. Aux États-Unis en revanche, de tradition économique plus libérale, ces outils financiers existent depuis parfois 150 ans. Le Chicago Mercantile Exchange Group est le premier marché à terme du monde en volumes d'opérations traitées et les marchés américains de produits agricoles sont des marchés directeurs pour le reste du monde.
Renaud de Kerpoisson d'ODA (Offre et demande agricole, société de conseil en gestion du risque des prix) ne le cache pas : « La réforme de la PAC nous a transformé malgré nous en spéculateur ; il nous faut bien trouver les moyens de nous protéger contre les fluctuations accrues des prix ; ces marchés à terme sont des soutiens absolument essentiels pour nos agriculteurs. »
Même constat chez Régis Hochart, porte-parole de la Confédération paysanne : « Ces marchés à terme existent à nouveau en Europe car ils viendraient pallier la moindre régulation exercée par la PAC sur les marchés ; ils sont là car il n'y a pas mieux. »
L'impact des « spéculateurs » fait débat
La France mais aussi la Commission européenne défendent l'idée de marchés à terme plus encadrés et transparents. Les États-Unis ont lancé cette réforme dès 2008. La FNSEA plaide pour cet encadrement au travers par exemple d'un mécanisme limitant le nombre de positions par opérateur et d'une taxation des transactions réalisées par des investisseurs financiers. Les marchés d'actions traditionnels manquant de liquidités, nombre de ces investisseurs se replient aujourd'hui sur les marchés à terme agricoles.
De quoi les accuse-t-on ? Ils cherchent surtout à réaliser des plus-values de court terme et non à gérer le marché ; ils s'en retirent brusquement et c'est la chute des cours qui peut être dévastatrice pour les agriculteurs. Ces spéculateurs non commerciaux ajouteraient donc un facteur supplémentaire de volatilité.
Renaud de Kerpoisson d'ODA remet en cause cette responsabilité dans l'amplification des fluctuations de prix, arguant qu'« aucune étude sérieuse ne le prouve à ce jour ». Ces investisseurs financiers apportent aussi les liquidités nécessaires aux opérations sur ces marchés, ajoute-t-on chez Euronext, dont les marchés à terme restent encore utilisés essentiellement par des opérateurs commerciaux, souligne le groupe.
Mais Lionel Porte, chef de produits chez NYSE Euronext, admet que certaines positions prises par ces spéculateurs amplifient ponctuellement les fluctuations. En juillet dernier, la spéculation sur le marché à terme du cacao a fait grimper les cours de la fève jusqu'à plus de 3.270 euros la tonne, leur plus haut niveau depuis septembre 1977 ! Cette flambée aurait été le fait d'un seul et unique spéculateur, le fonds d'investissement britannique Armajaro.