Les négociations sur les accords de libre-échange en inquiètent plus d’un
Certains ministres de l’agriculture de l’Union europééenne redoutent que le secteur dont ils ont la charge fasse les frais des nombreux accords commerciaux internationaux en cours de négociation.
Selon Fernand Etgen, le président luxembourgeois du Conseil agricole de l’UE, «des rendez-vous importants et des négociations non moins importantes nous attendent». À l’issue d’un débat des ministres de l’agriculture sur les échanges internationaux, le 16 novembre dernier à Bruxelles, il évoquait ainsi la conférence de l’OMC de Nairobi en décembre, «où doit en principe se conclure le cycle de Doha», mais aussi les futurs pourparlers entre l’UE et des pays «extrêmement compétitifs», comme l’Australie et la Nouvelle-Zélande.
Sans oublier, bien sûr, ceux en cours avec les États-Unis sur le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP, Transatlantic Trade and Investment Partnership; également désigné sous l’acronyme TAFTA: Trans-Atlantic Free Trade Agreement).
«Autant de défis auxquels nous devons faire face, mais qui représentent tout autant d’opportunités pour notre agriculture», a estimé le ministre luxembourgeois. Ces différentes négociations «ont un champ bien plus large que la seule agriculture et présentent donc le risque que celle-ci serve de variable d’ajustement pour trouver un accord, un risque auquel nous devons être sensibles et contre lequel nous devons être prêts à intervenir auprès de nos collègues directement impliqués», a-t-il aussi remarqué.
Après la Nouvelle-Zélande, l’Australie
Après la Nouvelle-Zélande le 29 octobre, l’UE a convenu le 15 novembre avec l’Australie «de commencer les travaux en vue du lancement de négociations pour un accord de libre-échange». Le lendemain, les Vingt-huit ont donné le feu vert pour des pourparlers du même type avec les Philippines. «Nous avons lancé une évaluation d’impact des échanges commerciaux avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande», a déclaré de son côté Phil Hogan à l’issue de la réunion des ministres de l’agriculture.
À propos du TTIP, le commissaire européen a souhaité voir «un peu plus de mouvements» de la part des États-Unis dans un certain nombre de domaines. «Il y aura une autre négociation en février, et nous espérons aboutir à un accord ambitieux en 2016», a-t-il ajouté. Le commissaire à l’agriculture a confirmé par ailleurs l’organisation d’une série de missions commerciales l’année prochaine, notamment au Mexique et en Colombie en février, en Chine et au Japon en avril, en Indonésie et au Vietnam au cours de l’automne.
Lors du débat du Conseil agricole, la France et l’Autriche ont critiqué le déséquilibre dans les offres d’accès au marché présentées par l’UE et les États-Unis dans le cadre de leurs négociations d’un accord de libre-échange. Selon la délégation autrichienne, la Commission européenne propose la suppression immédiate des droits de douane pour 97 % des lignes tarifaires agricoles, alors que les Américains ne concèdent que 67 %. La France a de plus jugé insuffisants les progrès réalisés dans ces pourparlers pour la suppression des barrières non tarifaires.
OMC et… Mercosur
Des préoccupations à l’égard du TTIP ont également été exprimées par la Belgique, la République tchèque et l’Italie. La Pologne, de même que la France, a demandé une analyse des effets cumulés des accords commerciaux négociés par l’Europe ou en cours de discussion. La Suède et le Royaume-Uni se sont déclarés tout à fait en faveur de ces accords, du TTIP surtout, tout comme le Danemark qui a jugé très positive l’ouverture des marchés.
Quant à l’Allemagne, elle s’est prononcée pour le libre-échange bilatéral, sans pour autant baisser les normes pour les consommateurs européens et se servir de l’agriculture pour parvenir à des compromis dans d’autres domaines comme les investissements.
Les maigres résultats de la conférence ministérielle de l’OMC à Nairobi ont été jugés décevants par les ministres de l’agriculture belge, danois et italien. La France, de même que l’Autriche, a estimé qu’un accord n’était pas nécessaire à tout prix, précisant que la suppression éventuelle des restitutions à l’exportation devait s’accompagner d’engagements du même type de la part des autres membres de l’organisation mondiale. Elle a aussi marqué son inquiétude à l’égard d’une reprise éventuelle des négociations commerciales avec le Mercosur, tout comme l’Irlande qui a évoqué les risques pour le secteur de la viande bovine.