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Les raisons du renversement des marchés céréaliers

En l'espace de deux mois, le marché céréalier a connu un véritable bouleversement sous l'impact de conditions climatiques défavorables en France et dans l'Union européenne, et catastrophiques dans le bassin de la Mer Noire. Les prix ont flambé brutalement, la volatilité et la spéculation sont revenues en force.

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La hausse des prix du blé, ricochant sur les autres céréales, a d'abord été déclenchée sur le marché français par la révision profonde des estimations de stocks de report de blé de fin de campagne, passant en trois mois de quelque 4 millions de tonnes (Mt), pléthore, à  2,6 Mt, un niveau simplement moyen. À l'origine de cette réduction, une augmentation sensible des exportations vers les pays tiers, établissant pratiquement un record à  9,8 Mt, et la confirmation d'une progression des utilisations par les fabricants d'aliments du bétail. La fin de campagne s'est donc révélée beaucoup moins chargée qu'on ne le prévoyait initialement, tandis que les craintes de baisse de rendement se renforçaient avec la sécheresse et la canicule. Les cours, stagnant jusqu'alors à  bas niveau, se redressaient à  partir de juin. Le mouvement haussier devait s'accélérer brutalement et passer au niveau international, avec la grave dégradation des conditions climatiques en Russie, en Ukraine et au Kazakhstan, grands pourvoyeurs du marché mondial. Moscou vient à  nouveau de revoir à  la baisse ses prévisions de récolte de céréales en 2010, les évaluant à  70-75 Mt, contre 95 Mt début juillet. Au Canada, ce n'est pas la sécheresse qui a pénalisé environ 20 % de la récolte, mais les excès de pluies. Belle récolte américaine L'Union européenne (UE) n'a pas échappé non plus aux caprices climatiques et les dernières estimations font état d'une production communautaire comprise entre 126 et 129 Mt, contre 138 en 2009. En revanche, les États-Unis présentent une belle récolte, en volume et en qualité, et se disposent à  compenser les défaillances du bassin Mer Noire auprès des pays importateurs. L'UE et notamment la France, malgré les baisses de récolte, espèrent bien aussi rester présentes sur le marché mondial. D'ores et déjà , les grands acheteurs cherchent à  se couvrir devant la baisse des disponibilités mondiales (le CIC, le Conseil international des céréales, a abaissé de 13 Mt, à  651 Mt, ses prévisions de production). L'Algérie a déjà  acheté 300.000 t de blé d'origine probablement française, après 400.000 t en juin, et l'Égypte multiplie ses appels d'offres. À cette occasion d'ailleurs, la Russie a démontré qu'elle ne renonçait pas encore à  l'exportation, en remportant les deux derniers appels d'offres égyptiens de 180.000 t. Pas de pénurie en vue Le bouleversement du marché par rapport à  l'an dernier se traduit donc logiquement par une hausse des prix mondiaux, attisée par une spéculation inévitable dans un tel contexte. Sur le marché français, cette hausse jusqu'à  200 €/t rendu port de Rouen est d'autant plus impressionnante qu'elle survient brusquement après une campagne de prix excessivement bas (jusqu'à  108 €/t en mars dernier). Rappelons qu'en 2007/2008, les cours étaient montés jusqu'à  280 €/t. Cependant, malgré l'incontestable diminution de la moisson mondiale 2010, celle-ci laisserait, selon le CIC, un stock de report de 192 Mt, le deuxième plus élevé de ces cinq dernières années. On n'en est donc pas à  la pénurie, notamment en France où la perspective de récolte autour de 35,5-36 Mt se situe dans une bonne moyenne. Effet domino La hausse des cours du blé a été suivie en France par celle des autres grandes céréales, accompagnée d'un renversement de la hiérarchie des prix entre elles. Ainsi le mais, qui avait résisté durant la dernière campagne à  la baisse des céréales à  paille, gràce à  un bon courant de vente en direction de nos partenaires européens, est repassé aujourd'hui sous le prix du blé, ce qui peut lui redonner une meilleure compétitivité auprès des fabricants d'aliments du bétail, mais ce qui le rend plus sensible à  la concurrence sud-américaine. Le renversement de tendance le plus spectaculaire concerne l'orge. À la réduction des surfaces semées en France s'est ajoutée une baisse des rendements. La récolte d'orge subirait une chute par rapport à  celle, pléthorique, de 2009. Chute partagée par celle de l'origine Mer Noire, ouvrant donc le marché d'exportation à  l'orge française. Dès lors, les prix de l'orge qui n'avaient pu atteindre celui de l'intervention durant la dernière campagne, flambent. Entre juin dernier et début août, la cotation de l'orge fourragère rendu port de Rouen est passée de 93 à  185 €/t ! Mais il y a dans les silos d'intervention européens 5 Mt d'orge dont la remise sur le marché, pour calmer les prix, apparaît inévitable. En tout cas, elle est vivement réclamée par les industriels de la nutrition animale. Hausse inéluctable des prix de l'aliment du bétailAprès le SNIA (industriels de la nutrition animale), Coop de France nutrition animale dénonce les conséquences de la hausse brutale des prix des matières premières en général, et des céréales en particulier, sur le coût de revient des aliments du bétail. La hausse entre fin juin et fin juillet a été de l'ordre de 27 % pour le blé, 25 % pour l'orge et 18 % pour le mais. Du coup, le renchérissement des coûts de production des aliments est estimé par Coop de France à  environ 20 €/t pour les aliments porcs et 30 €/t pour les aliments volailles. Une augmentation que les fabricants d'aliments « n'auront pas d'autres possibilités que de répercuter rapidement sur leurs tarifs d'aliments composés », prévient l'organisation. Elle demande donc la remise sur le marché des stocks d'intervention d'orge qui s'élèvent à  5 Mt dans l'UE, dont 1 Mt pour la France, mesure également réclamée par les industriels privés (SNIA) et l'organisation professionnelle européenne, la FEFAC.
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