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L’Europe apporte un début de réponse à la crise agricole

Les ministres de l’agriculture de l’UE et la Commission européenne, réunis à Bruxelles le 14 mars, ont donné leur accord à un mécanisme de réduction temporaire de la production laitière ainsi qu’à un relèvement des plafonds d’intervention du lait écrémé et du beurre et pour une expérimentation en France de l’étiquetage de l’origine des viandes.

file-Le 14 mars à Bruxelles, une majorité des ministres de l’agriculture de l’UE et la Commission européenne ont pris conscience de la gravité de la crise agricole.
Le 14 mars à Bruxelles, une majorité des ministres de l’agriculture de l’UE et la Commission européenne ont pris conscience de la gravité de la crise agricole.

Après la visite du commissaire européen à l’agriculture, Phil Hogan, à Paris, le 25 février, puis la tournée de Stéphane Le Foll dans les capitales de l’UE, une majorité de ministres européens de l’agriculture et la Commission de Bruxelles ont fini par prendre conscience de la gravité de la crise agricole.

Lire également: Phil Hogan reste prudent sur les mesures de gestion de crise

Ainsi, lors du conseil des ministres du 14 mars à Bruxelles, une majorité a pu être dégagée autour de propositions communes de la France et de l’Allemagne, auxquelles s’est ralliée la Commission européenne. «C’est un point important qui a été marqué dans l’analyse de la situation et dans les mesures qui ont été décidées», pour le secteur du porc et du lait, s’est d’ailleurs félicité Stéphane Le Foll.

Mécanisme de réduction temporaire

La principale nouveauté décidée par les Vingt-huit ministres de l’agriculture réside dans le déclenchement d’une mesure encore inédite: la limitation temporaire de la production. Ainsi, pour la première fois, l’article 222 de l’organisation commune de marché (OCM) a été déclenché. Cet article permet aux opérateurs de déroger au droit à la concurrence pour limiter temporairement la production.

Tous les détails de cette mesure ne sont pas encore finalisés. Ils le seront très prochainement, a promis le commissaire Hogan, notamment sur la durée du mécanisme qui pourrait être fixée à six mois, voire portée à un an.

Mais on sait déjà que la mesure n’a pas de caractère obligatoire et qu’elle n’est pas assortie d’incitations financières. Ce qui a suscité une première réserve, celle de l’Irlande, qui a indiqué, par la voix de son ministre de l’agriculture, qu’elle ne l’appliquerait pas.

La politique de stockage réactivée

Par ailleurs, Bruxelles a également accepté de doubler les plafonds d’aides pour le stockage privé, qui sont donc portés à 218.000 tonnes pour le lait en poudre et 100.000 tonnes pour le beurre, davantage d’ailleurs que ce que souhaitait la France.

Ce relèvement des plafonds permettra de faire face à l’augmentation de la production en cours, en attendant que la mesure de limitation de la production produise ses effets.

Comme le souhaitait également la France, la Commission a pris l’engagement de remettre en œuvre, dans l’année, le stockage privé pour le porc et elle a indiqué, à l’instar de ce qui existe dans le secteur laitier, la mise en place d’un observatoire sur les viandes bovines et porcines.

S’agissant des mesures destinées à favoriser l’exportation, Phil Hogan s’est engagé à augmenter les crédits de promotion sur les marchés tiers et au sein de l’Union européenne. Il devrait également proposer un nouvel outil européen de garantie pour couvrir les risques financiers pris par les entreprises.

Inquiétudes sur les minimis

En ce qui concerne la possibilité d’augmenter les aides d’État — le système de minimis —, sur lesquelles la France et l’Allemagne s’étaient mis d’accord, Phil Hogan a déclaré qu’il était exclu de s’engager dans une procédure de révision du système dans la mesure où son aboutissement prendrait au moins sept mois.

Toutefois la Commission serait prête à autoriser temporairement chaque État à accorder 15.000 euros par an et par agriculteur, (5.000 euros par an actuellement) dans la limite de 30.000 euros sur trois ans. Mais le communiqué officiel du ministère de l’agriculture ne l’évoque pas dans les conclusions du Conseil des ministres.

La Banque européenne d’investissement pourra également être mobilisée pour inciter et assister les agriculteurs et transformateurs à réaliser des investissements visant à améliorer leur compétitivité et à se lancer dans des projets innovants ou structurants.

Enfin, sans que le sujet ait été abordé au cours du conseil des ministres, la Commission européenne a donné un accord de principe à la France pour expérimenter l’étiquetage d’origine des viandes et du lait dans les produits transformés.

Un accueil mitigé des organisations agricoles

Réagissant aux mesures annoncées par Bruxelles, Xavier Beulin note des avancées mais considère ce plan globalement insuffisant. Le président de la FNSEA émet notamment «des réserves» concernant la limitation temporaire de la production laitière, déplorant un manque de financement. De plus, le risque d’une telle mesure — qui n’est pas obligatoire — est que la France et d’autres pays comme l’Allemagne s’engagent dans une réduction de leurs livraisons tandis que les pays nordiques continueraient à pousser leur production. Le président de la FNSEA s’interroge aussi sur «les zones d’ombre» des mesures adoptées et déplore l’absence de décisions sur la levée de l’embargo sanitaire sur le porc en Russie. Ce qu’a d’ailleurs reconnu Phil Hogan sur le porc.

Les chambres d’agriculture (APCA) émettent, elles aussi, un avis mitigé. «Certaines vont dans le bon sens» comme «l’augmentation du plafond de minimis et la dérogation provisoire aux règles de la concurrence». De même, l’expérimentation de «l’étiquetage de l’origine des viandes et du lait dans les produits transformés» satisfait l’APCA. Cependant, elle estime que l’augmentation des volumes à l’intervention «ne suffit pas» et qu’il faut «un relèvement des prix d’intervention». Elle craint par ailleurs les «limites» d’un Observatoire du marché de la viande.

Les Jeunes Agriculteurs affichent leur satisfaction sur une bonne part de ces mesures et surtout la possibilité de mettre en œuvre «des dispositifs temporaires permettant, sur la base d’accords volontaires, de réguler l’offre pour le secteur laitier, via les organisations de producteurs, les organisations interprofessionnelles ou les coopératives». Mais les JA se méfient d’une application qui ne serait que partielle de ce dispositif. Le syndicat «appelle les entreprises, les interprofessions, les organisations de producteurs, ainsi que les États membres à se mettre à la hauteur des enjeux de l’Union en mettant en œuvre de manière concertée ces dispositifs sur tout le territoire européen».

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