Luc Ferry conseille à la filière maïs de «faire changer la peur de camp»
Le philosophe Luc Ferry a conseillé, le 28 avril dernier, à la filière maïs et semencière de «faire changer la peur de camp», lors de la présentation d’une étude qualitative sur «le maïs comme ressource renouvelable: quels avenirs et quels enjeux?».
Au-delà de l’alimentation animale et humaine, le maïs est une plante aux qualités multiples, y compris en matière d’environnement. Pour les faire valoir, elle doit néanmoins contrer une image négative liée à ses gros besoins en eau, et faire évoluer un environnement scientifique français rigide.
Forte productivité, adaptabilité, polyvalence, stabilité des rendements… Les qualités du maïs sont reconnues. C’est ce que confirme une étude menée par la FNPSMS (interprofession de la production de semences de maïs et de sorgho) menée auprès de 22 personnalités d’horizons très différents (politologues, économistes, sociologues, médias, institutionnels…) et présentée le 28 avril.
Trop souvent sur le banc des accusés
Mais si la céréale est associée à l’image d’une agriculture performante, elle souffre de procès réguliers quant à son impact sur l’environnement, avec ses besoins en eau importants dus à son origine tropicale. Elle possède pourtant des qualités utiles pour la protection des ressources naturelles: «c’est une machine à fixer le carbone, donc une machine à lutter contre les excès de CO2 dans l’atmosphère», explique Michel Griffon, agronome et fondateur de l’association internationale de l’Agriculture écologiquement intensive (AEI).
C’est également une des cultures qui utilise le moins de pesticides à l’hectare. Elle peut en outre accueillir d’autres cultures sous couvert, et l’on peut utiliser ses résidus pour nourrir les sols. Cette durabilité est un enjeu au regard des usages multiples du maïs: alimentation animale et humaine notamment, avec une augmentation des besoins prévisible, liée à l’évolution de nombreux pays autrefois en développement vers des régimes plus carnés.
Au-delà, le maïs est aussi utilisable pour les biomatériaux, les bioplastiques, les biocarburants, ou encore les produits pharmaceutiques ou cosmétiques, des usages qui pourraient être amenés à se développer.
Innovation: faire changer la peur de camp
Cependant, pour répondre à ces multiples défis, la recherche scientifique sera nécessaire. Les personnes interrogées dans le cadre de l’étude regrettent ainsi un cadre réglementaire français trop contraignant, en particulier sur le sujet des OGM, auxquels 80% des Français sont hostiles.
Grand témoin de l’étude, le philosophe et ancien ministre Luc Ferry explique cette peur non par la dangerosité des OGM, qui n’a pas été démontrée, mais par le sentiment d’une perte de contrôle, qu’il illustre par le mythe de Frankenstein et de la créature qui échappe à son créateur, puni d’avoir voulu créer la vie. «Appliqué au maïs transgénique, ça marche complètement», explique Luc Ferry en citant l’exemple du maïs OGM cultivé à champ ouvert: «on a peur que le pollen échappe au scientifique et aille contaminer les champs environnants».
Luc Ferry a aussi suggéré de développer l’idée d’écologie circulaire, dont le maïs est l’emblème. « Ce qui sauvera le monde, ce n’est pas la décroissance mais l’écologie circulaire, autrement dit le recyclage. Le maïs en est le symbole… ». Quatre atouts écologiques méritent d’être valorisés, d’après lui. Le maïs stocke le carbone de l’air, a besoin de peu de pesticides, est « un formidable réservoir de biodiversité », laisse beaucoup de matière organique de sorte que la plante « retourne au sol et apporte au sol au lieu de l’user ».
Un négationnisme coupable
Plus globalement, le philosophe rattache cette peur au sentiment d’impuissance publique, lié à la mondialisation et à la baisse d’efficacité des politiques nationales en tant que leviers. L’enjeu est donc aujourd’hui de «faire changer la peur de camp». «Il faudrait que les gens aient peur qu’on n’innove pas suffisamment dans le monde agricole», insiste-t-il.
D’autant plus que «nous avons maintenant des technologies qui nous permettent de prendre un gène, de l’isoler, et d’imiter ce que la nature aurait pu faire si le hasard des choses l’avait décidé ainsi», renchérit Michel Griffon. Le maïs est d’ailleurs une plante très riche du point de vue du génome.
Pour l’agronome, ceux qui proposent d’interdire la recherche sur les biotechnologies modernes sont presque coupables «d’un crime contre la naturalité et peut-être même contre l’humanité car interdire la connaissance, c’est nier ce qu’il y a de plus caractéristique dans l’humain». Côté agriculteurs, la demande est présente: «les producteurs sont assoiffés d’innovations», confirme Daniel Peyraube, président de Maïz’Europ.