Lutte antigel : présentation de retours d’expériences réussies dans le Lot-et-Garonne
Le 17 octobre, l’Association climatologique de moyenne Garonne (ACMG) a mis à l’honneur le gel, le changement climatique et les productions fruitières, au cinéma Rex de Tonneins, dans le Lot-et-Garonne. Une centaine de personnes était réunie pour comprendre le phénomène de gel, témoigner autour de leurs expériences et des moyens de lutte testés, anticiper les phénomènes futurs.
Le 17 octobre, l’Association climatologique de moyenne Garonne (ACMG) a mis à l’honneur le gel, le changement climatique et les productions fruitières, au cinéma Rex de Tonneins, dans le Lot-et-Garonne. Une centaine de personnes était réunie pour comprendre le phénomène de gel, témoigner autour de leurs expériences et des moyens de lutte testés, anticiper les phénomènes futurs.
Tour à vent, haies brise-vent, aspersion par irrigation… Plusieurs solutions de lutte existent contre le gel. La première table ronde présentait des témoignages d’arboriculteurs et de viticulteurs, qui sont revenus sur leurs expériences dans la lutte contre le gel.
Un enjeu collectif
Thomas Rospars, viticulteurs à Montagne (33), et ses co-exploitants ont investi dès 2019 dans des dispositifs de lutte antigel. «J’ai eu beaucoup de chance que mon grand-père ait creusé des points d’eau à l’époque. À partir de 2019, nous avons investi dans des dispositifs d’irrigation par aspersion. Cette année les températures sont descendues à -6,5°C et sous la protection antigel, nous étions à 0. Aucun dégât n’est à déplorer sur les bourgeons dans les parcelles protégées. Aujourd’hui 60% du parcellaire est protégé par aspersion mais également par des tours à vent.» Thomas Rospars a ainsi pu sécuriser une partie de son rendement.
Michel Durand, viticulteur et pruniculteur installé depuis 1986 dans la plaine du Bergeracois, a, depuis son installation, eu le temps de constater l’évolution de l’importance des catastrophes climatiques. Il note depuis 2017 une accélération des gelées de printemps.
Bien que ce dernier ait passé près de 20 ans sans problème, le gel de 2019 a été l’élément déclencheur de la mise en place de moyens adaptés à la lutte antigel. «Sur le Bergeracois, nous avons un parcellaire très morcelé. Une tour à vent couvre environ 6 ha, mais chez nous, 6 ha c’est de nombreux propriétaires différents. Il a donc fallu lancer l’investissement via une CUMA départementale afin de sécuriser d’une part les récoltes, mais surtout les marchés l’année d’après. Les assurances existent, mais elles ne remplacent pas le produit.»
Ainsi, sur les 40 ha de l’exploitation, 15 ha sont protégés. L’investissement collectif a permis l’installation de 60 tours à vent en deux ans. Bien que le résultat soit aujourd’hui contrasté du fait des délais de livraison du matériel, Michel Durand a bon espoir pour les années à venir. «Si les températures descendent à -6°C, c’est compliqué, mais pour des températures entre -3 et -4, le brassage d’air permet de protéger correctement les parcelles.»
Après avoir constaté les dégâts en 2021, Patrice Raujol, arboriculteur dans la vallée de l’Aveyron, a fait appel à Jean-François Berthoumieu afin de bénéficier de l’expertise de l’ACMG. Ce dernier, après avoir réalisé un diagnostic, a conseillé de miser sur la protection par aspersion sur frondaison. L’arboriculteur a ainsi pu, via deux lacs non utilisés, protéger deux vergers du gel en avril 2022. «L’investissement était important mais le résultat est vraiment positif, puisque nous n’avons recensé aucun dégât sur les parcelles concernées, et une qualité supérieure aux vergers qui n’ont pas été protégés.»
Protection par l’aspersion
François Idiart, kiwiculteur à Sorde-l’Abbaye (40), protège les 43 ha de son exploitation via l’aspersion sur frondaison. Le collectif est, là encore, important puisque tous les exploitants aux alentours lancent l’aspersion en même temps ce qui permet de réchauffer l’atmosphère, avec des températures qui descendent au maximum à -5°C. «Le plus difficile est de savoir quand lancer l’irrigation. L’an dernier certains ont arrosé jusqu’à 20 fois à la suite, ce qui a pour effet de noyer le terrain et provoquer, avec les pluies excessives que nous connaissons, une asphyxie racinaire. Aujourd’hui nous avons des équipements qui permettent de gérer précisément et de déclencher au bon moment.»
Philippe Sfilligoï, producteur de pommes et de prunes en bio d’Aiguillon (47), a connu deux années compliquées, avec en 2021, 80% de dégâts sur les pruniers et 60% en 2022. L’arboriculteur s’est donc abonné au service d’alerte gel de l’ACMG afin de connaître précisément les températures heure par heure et d’être averti du risque de gel. Pour lui, ces informations sont un véritable outil d’aide à la décision. Seul problème, le manque d’eau, notamment en plaine, à côté de lacs de gravières «pleins au moment où nous en avons besoin, mais dans lesquels nous ne pouvons pas pomper. Cela est très regrettable, puisque 90% de cette eau va revenir dans le lac.»
Après 4 années passées à protéger les vignes du gel par «enfumage» via la mise à feu de bottes de foin, Julien Merle, viticulteur à Listrac (33), a réfléchi avec ses collègues viticulteurs à la mise en place de systèmes de protection efficaces.
«D’abord nous avons pensé mettre en place 85 tours à vent. Seulement, dans la commune, le bien vivre ensemble l’emporte, et au vu du bruit dégagé par une tour à vent, nous avons abandonné le projet et nous nous sommes tournés vers l’ACMG afin d’étudier précisément les températures des parcelles.»
C’est ainsi que les viticulteurs se sont rendu compte que certaines prairies, mal entretenues, déversaient des flux d’air froid sur les parcelles en vigne. La commune ayant pour ambition de planter des haies, le collectif de viticulteurs a ainsi mis en terre près de 1,2 km de haies avec des systèmes d’irrigation pour éventuellement servir de rafraîchissement pour l’été.
Ces haies ont été placées à des endroits stratégiques pour bloquer les flux d’air froid et ainsi protéger les vignes. Cette étude très précise a également mis en avant l’intérêt du pâturage des vignes. «Nous nous sommes rendu compte que sur une parcelle pâturée par des moutons un mois avant, les températures étaient plus hautes de 2,5°C.»