Mettre fin aux abus des travailleurs détachés
Le Conseil économique social et environnemental préconise un renforcement des contrôles.
«À travail égal, salaire égal sur un même lieu de travail». C’est le leitmotiv du Conseil économique, social et environnemental (CESE) qui vient d’adopter un avis sur les travailleurs détachés. Sollicité par le gouvernement, le CESE formule une série de propositions tant sur le plan européen que national. Depuis quelques années en effet, le recours au travail détaché est devenu très courant dans le bâtiment et les travaux publics, l’agriculture, l’hôtellerie-restauration, et notamment en Allemagne qui utilise deux fois plus de main-d’œuvre étrangère que la France.
Le premier constat du rapporteur, Jean Grosset, est que les directives de 1996 et de 2014 qui encadrent le travail détaché ne sont pas ou mal appliquées. «Si le paiement de la nourriture, de l’hébergement, du transport exigé par les directives était assuré ainsi que le paiement de l’intégralité des heures de travail effectuées, il n’y aurait aucun intérêt à faire venir des travailleurs détachés», estime-t-il. Au pire un différentiel de 2 à 3%, si les employeurs remplissaient leurs obligations, ajoute-t-il. Ce qui permettrait de corriger les distorsions sur les cotisations sociales patronales qui subsistent et qui sont acquittées dans le pays d’origine et non dans le pays de détachement.
Éviter la concurrence déloyale
Pas question de remettre en cause la liberté de prestation de services et des personnes dans l’Union européenne. Le CESE veut corriger les abus et éviter une concurrence déloyale entre les entreprises. D’abord en respectant la réglementation existante tout en proposant quelques améliorations. Par exemple, en exigeant des sociétés de prestations de services qu’elles aient une activité substantielle dans le pays d’origine et qu’elles ne soient pas seulement de simples boîtes aux lettres. Ou en adoptant une carte européenne des travailleurs détachés. Au final, les propositions du CESE visent seulement à corriger les lacunes de la réglementation actuelle et à clarifier les règles juridiques du détachement tout en renforçant les coopérations administratives entre les États membres.
En France, la priorité donnée aux contrôles par l’inspection du travail, les services de police et de gendarmerie et de l’Urssaf. En ligne de mire, la durée du travail. L’une des principales infractions consiste à faire travailler les salariés pendant une durée bien supérieure au temps de travail légal et de faire ainsi chuter le taux de rémunération en- dessous du smic horaire. Autre infraction souvent identifiée: l’hébergement qui incombe au maître d’ouvrage et qui est souvent assuré contre des heures de travail supplémentaires, en réalité non payées. Comme les défauts de déclaration des accidents de travail.
Qui dit renforcement des contrôles, dit augmentation des effectifs considérés comme «unanimement insuffisants» et aussi aggravation des sanctions. «Si on ne se donne pas les moyens de contrôle, on ne pourra éviter une déréglementation organisée», insiste Jean Grosset. Il appartient aussi aux partenaires sociaux de se saisir du sujet, estime le CESE. Par exemple, l’inscription dans les conventions collectives de la règle de rémunération applicable aux travailleurs détachés par l’installation de bureaux syndicaux chargés de l’information et de la défense des droits des travailleurs détachés.