Mort suspecte d’un poulain en vallée Aspe
Samedi 6 octobre, un éleveur a retrouvé la carcasse d’un poulain dans une estive au-dessus d’Etsaut. Pour Alain Estanguet, qui a une longue expérience de la montagne, le doute n’est pas permis : le poulain a été attaqué par un ours. Les gardes du Parc national ont fait les constatations dimanche. Selon la préfecture contactée ce jeudi matin : «les conclusions ont exclu l’implication de l’ours».
«Je n’ai rien contre l’ours, que les choses soient claires. Et je m’en fiche de l’argent. Mais je veux la vérité. Je ne veux pas qu’on me cache des choses.» Alain Estanguet est un éleveur en colère. Samedi dernier, son troupeau de chevaux lourds se trouve sur une estive de la commune d’Etsaut. Alors qu’il prévoit de conduire ses bêtes de la vallée d’Aspe à la vallée d’Ossau, il découvre qu’un poulain — de race Comtoise et âgé de 10 mois — manque à l’appel. Il finit par retrouver la carcasse de l’animal. Ou du moins ce qu’il en reste. Même si les vautours ont fait leur œuvre, pour lui qui a une longue expérience de la montagne, le doute n’est pas permis : l’ours est le coupable. «J’en suis sûr à 100%.»
La préfecture dément une attaque de l’ours
Contactés par l’éleveur, des agents du Parc national ont fait les constatations dimanche. Pour eux, l’ours n’est pas responsable de la mort de l’animal. Une information confirmée ce jeudi par les services de la préfecture. «Il y a bien eu investigations du Parc national : les conclusions ont exclu l’implication de l’ours. Cette conclusion est, en plus, corroborée par le suivi des ours qui montre que l’ours n’était pas présent sur cette zone aux moments des faits.» À noter que les deux ourses slovènes réintroduites portent un collier GPS.
Cette version ne convainc pas Alain Estanguet. «Les agents du Parc n’y connaissent rien, lâche-t-il. L’animal a été pelé jusqu’aux sabots. Il n’y a que l’ours qui peut faire ça. Il faut que l’État assume». L’éleveur a donc décidé de faire expertiser la tête, les pattes et le cuir du poulain à la clinique vétérinaire d’Oloron. «Le vétérinaire a constaté une hémorragie au niveau la tête. Il est formel, mon poulain a été attaqué. C’est impossible que cela soit une mort naturelle ou que ce soit les vautours qui l’aient dépecé. La carcasse n’aurait pas été pelée comme ça», affirme l’éleveur qui assure qu’il ira «jusqu’au bout pour connaître la vérité.»
L’homme qui a vu l’ours
Un autre témoignage direct pourrait alimenter rapidement les débats. Un éleveur du piémont oloronais, qui a demandé à garder l’anonymat et qui transhume en vallée d’Aspe, s’est retrouvé «nez à nez» avec un ours à une vingtaine de mètres de sa cabane, situé sur une estive de la commune d’Aydius. C’était ce mardi 9 octobre, aux alentours de 10h30. Cet ours, portant un collier (N.D.L.R. : vraisemblablement le GPS), pourrait être l’un des plantigrades réintroduits la semaine dernière. L’animal ne s’est pas montré menaçant. Il s’est dressé sur ses pattes arrière un cours instant, puis a pris la fuite. Il est extrêmement rare que l’ours s’approche si près d’une cabane en pleine journée. L’éleveur a décidé de redescendre son troupeau.
Le maire d’Aydius, Bernard Choye, confirme le témoignage de cet éleveur. «J’ai appelé la préfecture qui m’a confirmé que l’ours était, mardi, dans ce secteur, explique-t-il. Je suis étonné de ne pas avoir eu d’information sur la présence de l’ours. On est tenu, de par notre pouvoir de police, d’informer la population. Comment fait-on si nous n’avons aucune information?». L’élu aspois se dit à présent très inquiet. «Tout ce que nous craignons semble se confirmer. On se sent abandonnés par l’État. L’ours est là, mais personne ne nous aide. J’espère qu’on va nous respecter et nous informer pour que nous puissions agir, anticiper et éviter le pire».
Jeudi 4 octobre dernier, Bernard Choye avait pris un arrêté interdisant la divagation de l’ours sur sa commune. «La faisabilité de cet arrêté est nulle, je ne suis pas dupe. Mais c’est un acte de principe.»
Yannick Allongue