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Négociations UE/Mercosur : le mais européen en danger

La production de mais en Europe sera-t-elle, une nouvelle fois, sacrifiée sur l'autel des négociations internationales ? Le projet d'accord de libre-échange proposé par l'Union européenne aux pays de l'Amérique du Sud fait craindre le pire.

file-Le Brésil et l'Argentine sont prêts à  déverser leur mais en Europe dès que l'accord de libre-échange sera signé entre l'Union Européenne et le Mercosur. © Réussir
Le Brésil et l'Argentine sont prêts à  déverser leur mais en Europe dès que l'accord de libre-échange sera signé entre l'Union Européenne et le Mercosur. © Réussir
L'Union Européenne ne cesse de démontrer son volontarisme pour faire avancer les négociations internationales, malgré un cycle de Doha moribond. Avec la relance des négociations bilatérales, l'agriculture revient sur le devant de la scène, notamment dans le projet d'accord de libre-échange entre l'UE et les pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay, Venezuela en cours d'adhésion). Les risques pour le mais européen sont importants. Plus globalement, c'est la dépendance alimentaire de l'Europe qui est en jeu. La demande en mais grain de l'Union Européenne se situe autour des 60 à  62 millions de tonnes (MT) par an pour répondre aux besoins d'alimentation animale et usages industriels. Historiquement, ces besoins ont été couverts par la production communautaire et par des importations. Les importations totales de mais des quatre plus gros acheteurs de l'UE (Benelux, Espagne, Italie, Portugal) sont de l'ordre de 11 à  12 MT (4 à  5 MT d'origine pays tiers et 7 MT d'origine européenne). Au niveau de la production mondiale, l'offre en mais est déjà  très concentrée : les États-Unis, le Brésil et l'Argentine approvisionnent 80% du marché. Ces deux derniers pays ont vu leur production exploser depuis 15 ans et sont d'ores et déjà  en capacité d'exporter plus de 20 MT de mais 1 Un marché européen déjà  ouvert
Des dispositifs de réduction de droits de douane existent déjà  au niveau communautaire. Le plus important est le mécanisme dit « abatimento », qui permet d'octroyer des abattements de droits de douane pour faciliter l'approvisionnement de la péninsule ibérique en mais d'origine de pays tiers. Pour mémoire, ces contingents représentent 2,5 MT de mais et 300.000 t de sorgho.
Dans le cadre du pacte de stabilité des Balkans, les importations de mais serbe et croate se font sans droit vers l'UE. N'oublions pas que ces deux pays cultivent près de 2 millions d'hectares de mais. Pourquoi ouvrir encore plus le marché lorsqu'on sait que cette année, plus de 50 % des importations de mais dans l'UE viendront du Brésil et d'Argentine ? 2 Une protection aux frontières qui limite le risque de dumping sans pour autant pénaliser les consommateurs européens.
Le calcul du droit à  l'importation est calé sur une différence entre un prix seuil (155 % du prix d'intervention) et un prix de mais américain rendu Rotterdam. Ce mécanisme de protection ne fonctionne que lorsque le marché est en deçà  du seuil et ne vient pas surenchérir le prix du mais en situation de flambée des prix des céréales. Il garantit donc une protection du marché du mais lorsque les prix sont bas et permet à  l'Europe de conserver une capacité de production en évitant le dumping de certains pays tiers. Par contre, dès que le prix de marché dépasse 157 €/t, le droit de douane est nul. Les consommateurs ont donc accès à  différentes origines, sans contraintes tarifaires. 3 Conséquences d'une libéralisation du marché des céréales
Une libéralisation du marché des céréales avec le Mercosur serait dramatique pour le mais européen car :
- elle empêcherait l'UE d'arriver à  une autosuffisance alors que le potentiel de production existe. Avec l'élargissement, l'UE a accueilli de gros pays producteurs de mais comme la Hongrie, la Roumanie et la Bulgarie. La montée en puissance de ces pays sera compliquée par une concurrence exacerbée sur les marchés communautaires,
- elle se matérialiserait par une perte de 3 à  5 milliards d'euros pour la filière mais communautaire et donc pour l'ensemble de l'économie européenne
- Elle conduirait à  terme les filières animales européennes à  une double dépendance (soja/mais) qui fragiliserait encore plus leurs positions sur les marchés.
- Elle serait un levier important offert aux USA pour demander les mêmes avantages lors de futures négociations internationales.
Dans le même temps, l'UE négocie également avec le Canada. On pourrait s'orienter vers une libéralisation du marché des céréales et en particulier des céréales fourragères. La filière serait alors prise en étau entre le mais sud-américain et du blé fourrager canadien.
Cédric Poeydomenge,
directeur général adjoint de Maiz'Europ' et de l'AGPM
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