Parent de jeunes enfants, conjoint de soignant et agriculteur… Le grand écart de l’emploi du temps
À l’heure des travaux de printemps, les agriculteurs dont la conjointe travaille en milieu hospitalier sont confrontés à la difficile équation garder des enfants/travailler aux champs.
Si la crise sanitaire chamboule peu l’emploi du temps des agriculteurs sur leur exploitation, elle le complique quand même, notamment pour les parents confrontés à la fermeture des écoles et en particulier pour ceux qui partagent leur vie avec une personne travaillant dans le secteur de la santé…
Dans la commune de Macaye, au Pays basque, Philippe Ibar, éleveur laitier, fait partie de ceux-là. Depuis le début du confinement, de jour comme de nuit, son épouse Estelle poursuit son activité de sage-femme à la clinique Belharra de Bayonne. Les horaires sont donc déjà bien chargés, d’autant que le couple doit garder, seul, ses trois jeunes enfants Valentine, Amaïa et Théo. «Estelle n’est pas originaire du Pays basque et moi, je n’ai plus mes parents», explique-t-il.
Faute d’autres solutions, Philippe s’est accommodé. Désormais, sur son exploitation de 40 hectares située en zone montagne, c’est aux côtés de ses trois petiots que l’éleveur s’occupe de son troupeau de 60 adultes et autant de génisses. «Je leur donne du lait qu’ils donnent ensuite aux veaux, un peu d’ensilages, je leur trouve des choses à faire. Ils font du vélo autour de la stabulation…», raconte Philippe, les yeux rivés sur la petite dernière.
Papa, nounou et enseignant !
Du haut de ses 4 ans, Valentine doit être surveillée comme le lait sur le feu. «C’est peut-être avec elle le plus compliqué, lance-t-il avec le sourire. Je garde toujours un œil sur eux.» Quand Philippe prend le tracteur, il embarque l’équipe dans sa cabine. Mais «seulement dans les endroits pas trop en pente et pas trop à risques.»
En ces temps de confinement, pas question non plus de déroger aux leçons. Du coup, en début d’après-midi, Philippe remise son bleu de travail le temps des devoirs. Et s’il ne voit pas trop d’inconvénients à ce nouveau rythme de vie, il se montre un peu plus perplexe pour la suite. «On ne sait pas quand le confinement va être levé. Et à l’approche des travaux de plein champs, je ne sais pas trop comment on va faire.» Pour Valentine, Amaïa et Théo, cette parenthèse imposée leur convient. À part pour l’aîné de la fratrie… «Je préfère être à l’école», lâche-t-il avant d’enfourcher énergiquement son vélo.
Situation similaire à 90 kilomètres plus au nord, dans les Landes. «C’est parfois compliqué, il faut jongler avec les horaires et les contraintes des uns et des autres… mais, pour l’instant, on arrive à gérer, tant bien que mal, la situation» philosophe Denis Lalanne, agriculteur à Maylis. Alors, quand Hélène, sa compagne, prend son poste d’infirmière au service des soins palliatifs du centre hospitalier de Mont-de-Marsan, Faustine, 5 ans et Éloïse, 3 ans, restent sous la garde de papa… Dans ce cas, «j’assure le minimum à la canetonière et dans les parcours» où gambadent 6.300 canards.
«Tôt le matin et tard le soir!»
Pour le reste, «c’est tôt le matin et tard le soir!» Mais, les semis des 80ha de maïs et des 4ha de tournesol arrivent à grands pas, ce qui va complexifier le casse-tête de la garde des deux petites sœurs. Déjà, la préparation du matériel et les premiers tours de tracteurs dans les parcelles, pour certaines éloignées d’une quinzaine de kilomètres du siège de l’exploitation, ont donné un avant-goût de la situation.
Alors, Denis et Hélène font feu de tout bois… À commencer par papi et mamie qui résident à quelques centaines de mètres de là. «On a cette chance», reconnaît Denis. Mais, sa maman, auxiliaire puéricultrice, travaille de nuit et la présence des deux petites-filles n’est pas forcément compatible avec ses temps de repos.
Heureusement, la nounou d’Éloïse accepte, en dépannage, de garder également Faustine puisque son école n’a pas mis en place d’accueil, ni de garderie. Elle pourrait bien aller à Montfort ou à Saint-Sever, mais les déplacements alourdiraient encore un peu plus un emploi du temps déjà bien tendu.
Autre plan B, des voisines se sont proposées pour jouer les gardiennes de secours. Un geste de solidarité qui a particulièrement touché Denis et Hélène. En dernier recours, ils feront appel à la garderie mise en place par l’hôpital Layné, en espérant qu’Hélène, qui a déjà exercé 10 ans en service de réanimation, ne soit pas réquisitionnée si la situation sanitaire venait à se dégrader…
Dans ce cas, avec des amplitudes de service de 12 heures, il sera très difficile à Éloïse et à Faustine de suivre leur maman jusqu’à Mont-de-Marsan distant d’une quarantaine de kilomètres. Mais Denis est un optimiste de nature : «lors des moments difficiles, on a toujours trouvé une solution».
B. Ducasse et B. Lalanne