Pas de miracle à attendre du relèvement du seuil de revente à perte
À la lumière des effets de la loi de Modernisation de l’économie (LME) de 2008, les spécialistes ont une idée de ce qu’il est possible d’espérer des mesures clés contenues dans le projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales présenté le 31 janvier dernier. En particulier, concernant le relèvement du seuil de revente à perte et l’encadrement des offres promotionnelles.
L’article 9 du projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et pour une alimentation saine et durable présenté le 31 janvier dernier, «habilite le gouvernement à prendre par ordonnance deux mesures dans le champ du code de commerce, pour une durée de deux ans : d’une part le relèvement de 10% du seuil de revente à perte des denrées alimentaires revendues en l’état au consommateur ; d’autre part un encadrement en valeur et en volume des promotions pratiquées sur les denrées alimentaires».
Or selon, Claire Chambolle, directrice de recherche au laboratoire ALISS de l’INRA, les agriculteurs ne doivent pas attendre de miracle de ce texte et en particulier des décrets d’application qui seront publiés lorsqu’il sera adopté par le Parlement. L’économiste s’est appuyée sur les résultats d’une étude présentée lors d’une conférence organisée par FranceAgriMer, le 1er mars dernier au salon international de l’agriculture. Elle portait sur l’évaluation de la loi de Modernisation de l’économie (LME) de 2008.
Efficacité de l’encadrement des promotions
Le seuil de revente à perte, alors redéfini, a mis fin à l’inflation des prix des produits alimentaires qu’il induisait sous sa forme précédente puisqu’il n’incluait pas les ristournes et les marges arrière. Étaient en particulier concernés les produits de marque nationale.
Le relèvement du seuil de revente à perte pourrait, en revanche, offrir plus de marges aux distributeurs pour fixer leurs prix promotionnels et pour ne pas faire peser certaines charges fixes sur les autres produits commercialisés. Dit autrement, ce relèvement servirait de «soupape de sécurité» à la grande distribution qui serait sinon tentée de compenser le manque à gagner en augmentant les prix ailleurs. Car à l’échelle des centres commerciaux, promotions ou pas, les charges de structure restent inchangées.
Mais selon Claire Chambolle, le relèvement des seuils de revente à perte de 10% n’aura aucun effet sur les prix agricoles. L’encadrement des promotions dans les grandes surfaces (inférieures à 34% du prix normal et à 25% du volume annuel vendu) aurait davantage d’impact car elle éviterait la destruction de valeur.
Concurrence n’est pas guerre des prix
Ceci dit, 82% des produits de marque nationale ont baissé de 2,33% après l’entrée en application de la LME de 2008, mais elle n’a pas eu d’impact sur les prix des produits de marque distributeurs et des premiers prix. Cependant, ce recul traduit le retour d’une certaine concurrence entre les distributeurs «sans avoir engagé une réelle guerre des prix», affirme Claire Chambolle.
Mais cette baisse aurait probablement été plus importante si les grands distributeurs n’avaient pas été autorisés à regrouper leur centrale d’achat. En revanche, personne n’est en mesure dire comment le recul des prix a été répercuté aux dépens des distributeurs, des transformateurs ou des agriculteurs. Même si ces derniers estiment avoir été les principales victimes.
Enfin, «partir du coût de production pour négocier le prix de vente des produits agricoles et transformés ne changera pas les rapports de force entre les producteurs, les transformateurs et les distributeurs», affirme Claire Chambolle. «Obliger à vendre plus cher ne contraindra pas les distributeurs et les transformateurs à acheter plus cher», défend l’économiste. Cette nouvelle méthode négociation aura un impact si et seulement si les producteurs sont suffisamment organisés pour pouvoir proposer le prix de vente qui leur siéra.