Phytos : une «inversion de la courbe encourageante»
Pour la première fois depuis 2008, les ventes de produits phytosanitaires ont baissé de 2,7% entre 2014 et 2015. Pour le ministre de l’agriculture, cette tendance témoigne d’une dynamique que la mise en place des CEPP devrait confirmer.
Le NODU est le nombre de doses unité qui correspond à un nombre de traitements moyens appliqués annuellement sur l’ensemble des cultures… «Pour la première fois depuis longtemps, ce NODU a baissé de 2,7% entre 2014 et 2015 pour les usages agricoles», a salué Stéphane Le Foll, à l’issue du comité d’orientation stratégique du plan Ecophyto II, le 30 janvier. Si en moyenne triennale, les chiffres sont moins flatteurs (+4,2%), le ministre de l’agriculture l’explique par «des achats importants de phytosanitaires juste avant la mise en place de la contribution pour pollution diffuse» qui a pris effet le 1er janvier 2015.
Les fermes Dephy en pointe
À noter qu’en usage non agricole, la baisse du NODU atteint - 14%. Pour Stéphane Le Foll, l’inversion de la courbe est «petite, mais elle est là» et l’incite en tout cas à poursuivre le travail engagé depuis quatre ans, convaincu que la dynamique enclenchée «va porter ses fruits» et «donnera des résultats plus tard». Même si l’année 2016 s’est avérée très humide, le ministre exclut l’idée d’une augmentation de la courbe liée à un recours accru aux fongicides, car les résultats sont pondérés en fonction des conditions climatiques.
Stéphane Le Foll et le député Dominique Potier (PS), co-président du comité d’orientation Ecophyto, se félicitent donc de ces signes encourageants et misent sur une démultiplication des bonnes pratiques à l’œuvre notamment dans les 2.000 fermes Dephy. Ces exploitations qui ont mis en place une démarche volontaire de réduction de l’usage des phytosanitaires font état d’une réduction de l’IFT (indice de fréquence de traitements) nettement plus significative, de - 18% en moyenne sur la période 2013/2015.
CEPP : en attente de validation
Pour consolider cette tendance, le ministre compte fortement sur la mise en place des certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP), dont l’expérimentation a commencé l’été dernier mais dont la validité juridique a été annulée en décembre par le Conseil d’État pour des raisons de forme. Une décision qui a provoqué la «mauvaise humeur» de Stéphane Le Foll et la réintroduction du dispositif via la proposition de loi de Dominique Potier sur le foncier.
Adopté par l’Assemblée nationale le 18 janvier, le texte doit encore être validé par le Sénat, et devrait être définitivement adopté avant la fin de la mandature puisque le Premier ministre l’a inscrit en procédure accélérée. «Je ne partirai pas tant que ce ne sera pas définitivement acté!», a clamé le ministre pour réaffirmer son attachement à ce dispositif «innovant», «qui responsabilise tout le monde, en particulier les vendeurs».
L’Europe s’intéresse aux CEPP
Pour atteindre l’objectif de réduction de 20% des phytosanitaires d’ici 2020, les distributeurs devront obtenir un nombre donné de CEPP (fixé par rapport à la moyenne de leurs ventes entre 2011 et 2015), CEPP qui s’obtiennent en échange d’actions plus économes en produits mises en œuvre par les agriculteurs. Des fiches actions doivent ainsi être validées — une vingtaine l’est déjà — par l’INRA.
En 2021, chaque CEPP manquant donnera lieu, pour le distributeur, à une amende de 5 euros. Cette expérimentation menée en France pour cinq ans intéresse la Commission européenne, s’est par ailleurs félicité le ministre. Dominique Potier en reste le premier défenseur : «Dès aujourd’hui, les entreprises de diffusion vont chercher à dépasser les 20% (N.D.L.R. : de réduction) parce que l’opinion publique est devenue sensible à ce sujet ; il y aura des clauses de compétition au mieux disant environnemental», estime ainsi le député.
Un recul salué par la profession agricoleLa FNSEA a salué le 30 janvier la première baisse des phytos, soulignant que c’était la preuve que «l’écologie incitative est plus efficace que l’écologie punitive». Elle a également demandé de soutenir la recherche et l’innovation pour garantir des «solutions alternatives».
L’UIPP (industries de la protection des plantes) a demandé, pour sa part, un nouveau mode de gouvernance d’Ecophyto 2, tout en saluant les «avancées positives» du plan de réduction des phytos. «La tenue annuelle d’un comité national d’orientation et de suivi n’est pas suffisante pour piloter efficacement la mise en œuvre du plan ni mesurer son efficacité sur le terrain», affirme un communiqué. Et l’UIPP d’appeler à «définir un nouveau mode de gouvernance pour associer toutes les parties prenantes dans des discussions plus régulières et plus transversales». Il s’agit, pour l’organisation, de participer au déploiement régional d’Ecophyto, explique le communiqué. L’UIPP voit «des avancées positives» comme Certiphyto, la prévention des risques, les fermes pilotes Dephy, qui «portent leurs fruits et démontrent l’implication de la filière dans des démarches de progrès». L’organisation salue aussi la volonté de compléter le plan par des indicateurs qualitatifs : «La réussite du plan Ecophyto ne peut dépendre du seul objectif chiffré de réduction des produits phytos». |