Porc : «L’arrêt de la castration ne pourra pas se faire d’un claquement de doigts»
La Fédération nationale porcine tient son congrès ce vendredi 11 juin à Pau. Tour d’horizon et état des lieux de la filière avec son président, François Valy.
Quel bilan tirez-vous de cette année particulière, entre crise du Covid et progression de la PPA en Europe ?
François Valy - C’est vrai nous avons connu une année un peu particulière, avec un prix du porc qui était correct fin 2019, début 2020 et un effondrement dans la deuxième partie de l’année. La Covid a surtout déréglé les marchés. À proprement dit, nous n’avons pas eu de baisse de consommation. On a en fait observé un transfert de consommation de la restauration hors domicile vers les grandes surfaces. Les consommateurs se sont remis à cuisiner.
La PPA est un gros sujet, qui nous a en quelque sorte rendu service il y a 2 ans, quand la Chine et l’Asie ont été frappés durement par cette maladie. La forte demande du marché chinois a permis de faire remonter les prix. L’apparition de la maladie en Europe a changé la donne et perturbé les marchés. L’Allemagne, qui était le premier exportateur européen vers l’Asie, a été contrainte de revenir sur son marché intérieur. Du coup, l’Espagne s’est retrouvée exportateur net vers l’Asie. Des transferts se sont opérés entre l’Allemagne, l’Espagne et différents pays de l’Union européenne quand l’Asie était fortement demandeuse.
On assiste à une contraction du marché et une baisse des prix. Comment expliquez-vous cela ?
F. V. - On assiste à une flambée du cours des matières premières, notamment due à une forte reprise économique en Chine. On voit des prix inflationnistes impressionnants sur le bois, la ferraille et les céréales. En quelques mois, les éleveurs ont pris 50 €/t supplémentaires sur le prix de l’aliment. Pour nous, c’est un impact de 20 cts du kilo du porc. Aujourd’hui, avec un marché à 1,70 €, cela devient compliqué. On doit faire face à un effet ciseau, avec un prix de l’aliment très élevé, et un prix du porc qui stagne.
La loi Egalim, qui devait permettre aux éleveurs de dégager un revenu en adéquation avec leur charge, n’a pas eu les effets escomptés. Qu’attendez-vous de la version 2 ?
F. V. - La première mouture de loi Egalim, on était confiant et on espérait, sans être naïfs. Il ne faut pas tout balayer d’un coup en disant ça sert à rien. Pour être honnête, cette loi n’a rien apporté à la production porcine. On avait déjà un encadrement des promotions avant les Egalim, qui valait ce qu’il valait. Sur la deuxième mouture, à voir comment on peut aboutir.
Que retenez-vous des annonces du ministre de l’Agriculture concernant la réforme de la PAC ?
F. V. - On espère pouvoir accéder au deuxième pilier, sur le plan de modernisation et aux éco-régimes. En Bretagne, une AOP Grand Ouest (N.D.L.R. : association d’organisations de producteurs) va être officiellement créée dans les mois prochains, ouverte à toutes les OP français. On espère, avec cette AOP, aller chercher notamment des fonds opérationnels sur le second pilier. Il reste cependant encore beaucoup d’incertitudes tant que la réforme n’est pas définitivement actée…
Un sujet cristallise toute l’attention des producteurs de porc du Sud-Ouest : la castration. Où en êtes-vous sur ce dossier ?
F. V. - Une large partie de notre congrès sera consacrée à ce sujet. On ne va pas tout révolutionner. On donnera la position de la FNP. Plus généralement, on est conscient que demain il faudra continuer à produire du mal castré. En plus, ici dans le Sud-Ouest, on sait que par rapport à la charcuterie et la salaisonnerie sèche, il n’y a pas aujourd’hui d’autres solutions. Les choses évolueront peut-être, sur le plan de la génétique, de la manière de transformer. Mais au 1er janvier 2022, ce n’est pas possible. On n’est pas prêt en France à le faire demain d’un claquement de doigts.
Il faudra cependant travailler pour trouver des solutions dans l’avenir. Et aussi s’adapter à la demande du marché, des consommateurs et des transformateurs. On sait que sur du mal castré, il y a du gras, beaucoup moins sur un mal entier : il y a beaucoup de problématiques techniques à résoudre.
On cherchera bien entendu à répondre à la demande, mais il faudra aussi qu’il y ait une négociation, car les coûts ne sont pas les mêmes pour élever un mal castré et un mal entier. Ce dossier reste en chantier.
Propos recueillis par Y. A.