Pour la Saint-Sylvestre, les vignerons de Viella fidèles au poste
Comme chaque 31 décembre, depuis 26 ans, les vignerons des coopératives Plaimont et de Crouseilles ont célébré la Saint-Sylvestre par des vendanges exceptionnelles de Pacherenc à la tombée de la nuit. Entre pastorale, retraite aux flambeaux, ateliers et conférence, pour l’occasion, le village de Viella s’anime de festivités très médiatiques.
Pépite gourmande au pied des Pyrénées, l’AOC Pacherenc du Vic-Bilh a toujours exigé une récolte tardive, pour obtenir un profil de vin doux au caractère unique. En application d’un édit de 1745 qui interdisait de récolter avant le 4 novembre, la vendange se faisait traditionnellement à mi-novembre, pendant l’été de la Saint-Martin.
À la Saint-Albert du 15 novembre 1991, une mémorable gelée précoce retarda la récolte et les vignerons de Plaimont firent le pari de cueillir les dernières grappes fin décembre. Un pari réussi avec une qualité de dégustation qui étonna œnologues et vignerons et signa l’acte de naissance du Pacherenc de la Saint-Sylvestre.
Pastorale, retraite aux flambeaux…
Depuis, Plaimont Producteurs et la cave coopérative de Crouseilles perpétuent cette tradition sur une quinzaine de parcelles de 7 hectares au total, sélectionnées dans les trois départements de l’appellation : le Gers, les Pyrénées-Atlantiques et les Hautes-Pyrénées. Ainsi, en ces derniers jours de l’an, la petite cité gersoise de Viella s’est animée de multiples festivités qui ont mobilisé, dans une dynamique commune, vignerons de Plaimont et Crouseilles, Amis du Pacherenc de la Saint-Sylvestre, institutionnels et bénévoles.
«Rodé par 26 ans d’expérience, tout s’est préparé dans la sérénité mais avec une certaine crainte car c’est une réelle performance des vignerons de conduire jusqu’en fin décembre ces raisins passerillés et confits de petit manseng et gros manseng, soumis à une météo pas toujours accommodante, à une année viticole précoce et à la gourmandise des volatiles» relate Joël Boueilh, le président de Plaimont, élue coopérative de l’année 2017 par La Revue du vin de France (En savoir plus >>>).
Ici, la profession est heureuse et fière de proposer une fin d’année originale et insolite, largement exposée dans les médias régionaux et nationaux. «L’histoire du Pacherenc de la Saint-Sylvestre, c’est notre histoire, une histoire correspondant à l’ADN de Plaimont et de ses vignerons qui aiment proposer des choses différentes».
Œnologues en herbe
Domiciliés en Catalogne, Carmen et Toni reviennent à Viella pour la troisième fois. Après avoir repéré ces festivités au salon du tourisme à Barcelone, ils ont testé la première année et, depuis lors, jouent les guides pour des amis. «Depuis jeudi, nous logeons en chambres d’hôtes. Nous sommes sur place car il faut vivre vraiment les différentes animations pour en profiter pleinement.»
Au-delà des traditionnelles dégustations de Pacherenc et Madiran, casse-croûte au cœur du vignoble, les deux habitués espagnols ont apprécié particulièrement les ateliers et conférences qui se tenaient çà et là, pour la première fois dès le vendredi. «L’atelier accords mets et vins, animé par un œnologue, et l’exposition de vieux outils viticoles de l’Arasclet étaient très instructifs. Nous avons aussi beaucoup apprécié la pastorale dans l’église», recense Carmen.
Pour cette édition 2017, Jean-Louis Le Breton a écrit et mis en scène Les folles vendanges d’Augusta, une pièce en cinq actes. «C’est une pastorale inédite, historique et romantique, en hommage à la condition des femmes paysannes, au travail des munitionnettes durant la grande guerre», résument Nadine Cauzette et Martine Levaux, coprésidentes des Amis du Pacherenc de la Saint-Sylvestre, tout en soulignant la remarquable implication des acteurs amateurs recrutés localement par le bouche-à-oreille et qui reproduiront la pièce dans plusieurs sites alentours.
Pour le président Roland Podenas, qui vient de boucler des vendanges hivernales également réussies à la cave de Crouseilles, «voir des gens venus de tous horizons vivre des moments heureux en affichant leur satisfaction est une réelle récompense et une mise en valeur de l’investissement de tous ces bénévoles et des vignerons».
«Réussite et grande satisfaction»
Et aussi une intéressante activité économique pour les ventes et les locations dans ce coin de Gers, riche de fêtes autour du vignoble. «Les plaques d’immatriculation inhabituelles à Viella attestent de la diversité des publics hébergés plusieurs jours à la fin décembre. Chacun repartira dans sa région avec de bons souvenirs et des produits de notre terroir» se réjouit le maire Jean-François Thomas.
Beaucoup se souviendront du long cortège illuminé des flambeaux des participants, ralliant la parcelle de Sabine Laborde pour y vendanger les dernières grappes qui abonderont l’exceptionnelle et confidentielle cuvée de la Saint-Sylvestre. Au terme de ces vendanges du bout de l’An, Carmen, Toni et leurs amis catalans ont gagné le château de Crouseilles pour le grand réveillon dansant avec orchestre. Le lendemain, Tony a fait provision de quelques bouteilles de Pacherenc. «C’est un nectar plein de saveurs que nous dégustons avec grand plaisir quand nous fêtons quelque chose. Et, en plus, ça fait remonter les excellents moments passés à Viella!»
Gilbert Delahaye