Réactions en chaîne au marché du porc breton
En annonçant qu’il ne suivrait plus la cotation de Plérin, le groupe Bigard a entraîné, en moins d’une semaine, l’abandon de l’objectif de 1,40€/kg poursuivi par Leclerc et Intermarché, l’engagement de discussions sur la réforme du marché du porc breton et la mise à l’écart de son président.
En se retirant du cadran le 10 août dernier, la Cooperl et le groupe Bigard avaient adressé un message à la filière porcine bretonne: déconnecté du marché européen, le prix du Marché du porc breton (MPB) est intenable économiquement pour les abatteurs, les plus exposés aux flux internationaux. Les deux groupes s’étaient finalement résolus à continuer d’acheter leurs porcs au niveau fixé par le cadran, où chaque semaine les outils d’abattages de Leclerc (Kermené) et Intermarché (JPA) poursuivaient l’objectif d’atteindre 1,40€/kg. Tous les opérateurs s’attendaient à ce que, tôt au tard, particulièrement après le mois de septembre, quand les prix chutent après la période de promotion, Cooperl ou Bigard ne respectent plus la cotation de Plérin, si celle-ci continuait de coller à 1,40€/kg. C’est ce qui vient de se passer.
Le 17 septembre, l’industriel de Quimperlé (Finistère) a annoncé qu’il ne la suivrait plus, à partir de la semaine suivante. La première conséquence de cette annonce, c’est la suspension du cadran, moins d’une semaine plus tard. Lors de la séance du 24 septembre, seuls Kermené et JPA étaient présents au MPB, qui n’a pas pu tenir de séance. Aucun autre acheteur n’a souhaité participer au cadran, où il aurait pris le risque d’acheter des porcs au-dessus du prix payé par leur concurrent Bigard.
Situation intenable
Les abattoirs Aberra (groupe Avril), Charles et Bernard (groupe Jean Floc’h), présents jusqu’ici, ne se sont pas déplacés. Une réunion s’est tenu séance tenante entre abatteurs et vendeurs pour organiser une nouvelle cotation. Comme le prévoyait le président de la FNP, l’annonce du groupe Bigard est en mesure d’« achever le cadran»; elle a donc contraint les partisans de sa survie à prendre des décisions.
Ce sont les groupements de producteurs de porcs (UPGVB) qui sont sortis les premiers du bois, en demandant publiquement la fin de cette politique de soutien des prix menée par Leclerc et Intermarché, depuis juin, à la demande des producteurs et du ministre de l’agriculture. Dans une note de blog parue quelques heures plus tard, Michel-Edouard Leclerc a accepté cette demande: «Nos confrères d’Intermarché semblent aussi de cet avis», estime-t-il.
C’est la deuxième conséquence de l’annonce de Bigard, l’arrêt des achats de Kermené et JPA à 1,40€/kg. «Si on n’avait pas pris cette décision, c’était le dernier marché aujourd’hui, s’est justifié le président de l’UGPVB, Michel Bloc’h. On souhaite que le marché refonctionne normalement. Si on continue dans cette voie, il n’y aura plus de marché, les opérateurs n’y viendront plus».
Le troisième résultat, c’est la mise à l’écart du président du marché du porc breton. Le même jour, le 24 septembre, François Pot (président du groupement Porélia) a été élu à la tête du MPB, à l’occasion d’un conseil d’administration électif annuel. Il remplace Daniel Picart, président depuis cinq ans, écarté par les représentants régionaux de la filière porcine.
Dialogue sur la réforme du cadran
L’éviction de Daniel Picart pourrait permettre de renouer le dialogue entre le MPB, Bigard et Cooperl. C’est la quatrième conséquence de l’annonce du groupe Bigard: le début, semble-t-il, d’un dialogue sur la réforme du marché et l’ouverture de négociations qui pourraient conduire au retour des deux abatteurs au cadran. Ce retour au dialogue est notamment souhaité par le ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll, qui expliquait le 23 septembre qu’une discussion était «nécessaire» entre les acteurs de la filière et qu’il fallait «qu’il y ait de la part du marché de Plérin une prise en compte des évolutions» demandé par la Cooperl et Bigard, dont «certaines étaient justifiées». «Cela nécessite d’être transparent et de considérer que l’on a tous intérêt à discuter cartes sur tables, à faire évoluer les choses», a-t-il demandé. Le ministre de l’agriculture a toutefois expliqué qu’il pouvait entendre que Bigard connaisse des difficultés financières liées à l’écart de prix entre la France et le marché européen, à condition que le groupe soit plus transparent sur ses comptes.