Réouverture de la ligne Pau-Canfranc : quels impacts pour les riverains ?
La SNCF a esquissé un projet et un échéancier avec une réouverture à l’horizon 2032. Le passage du train ne se fait pas sans conséquences, notamment pour les agriculteurs.
La SNCF a esquissé un projet et un échéancier avec une réouverture à l’horizon 2032. Le passage du train ne se fait pas sans conséquences, notamment pour les agriculteurs.
Après des décennies d’atermoiement, le projet de réouverture de la ligne ferroviaire Pau-Canfranc connaît une nouvelle étape. Aiguillonnée par la Région Nouvelle-Aquitaine, la SNCF a esquissé un projet sérieux et un échéancier avec une réouverture à l’horizon 2032. Depuis la mi-septembre, défenseurs et opposants, riverains, usagers et entreprises ont pu s’exprimer dans le cadre d’une démarche de concertation préalable instruite sous l’égide de la commission nationale du débat public.
Outre une desserte accrue pour les passagers sur la ligne déjà existante (passer de 8 à 13 allers-retours, ouverture d’un trafic voyageurs entre Pau et Saragosse), le projet vise avant tout à développer du fret international sur rail, pour un volume équivalent au trafic poids lourd actuel transitant par la vallée d’Aspe et le Somport (350 camions, prévision de 10 allers-retours de fret par jour).
Sans être centrale, cette réouverture pose diverses questions au monde agricole, et en particulier aux agriculteurs de la vallée d’Aspe et de la plaine d’Ogeu. Un récent fait divers avec la mort de 3 vaches happées par un train entre Gan et Buzy est venu rappeler que le rail engendre des contraintes.
Les exploitations riveraines ont souvent des parcelles, voire des bâtiments de part et d’autre de la voie ferrée, et la suppression de plusieurs passages à niveau (5 entre Bedous et Accous, 4 à Ogeu et Escout) va engendrer des difficultés d’accès ou de déplacement au sein des exploitations, comme cela a pu être relaté par une éleveuse de Bedous lors de la réunion d’Eysus. Avec la nécessité de trouver des solutions.
Stress et nuisances sonores
L’attention aux nuisances sonores et vibratoires ne doit pas être négligée, ni les stress induits, comme s’en est ému un éleveur de Borce. La densification du trafic peut aussi rendre plus difficile le franchissement avec des troupeaux des passages à niveau conservés.
Une autre contrainte peut venir des expropriations liées au réaménagement des voies, et des infrastructures qui seront créées. Il faut se souvenir des conflits médiatisés lors de la réouverture du tronçon entre Oloron-Sainte-Marie et Bedous. Non prévu lors de l’instruction préalable, le réaménagement en amont de Sarrance à l’embranchement de la route du col d’Ichère avait engendré des expropriations et une gêne permanente pour les habitants de ce quartier.
À une échelle plus large, il faut aussi inscrire au débat le transport des denrées agricoles qui transitent par le tunnel du Somport. À titre d’exemple, Il existe déjà un flux régulier de graines vers l’Espagne, et en sens inverses de foins, de pailles largement utilisées par les éleveurs du piémont.
À ce stade du projet, la plateforme de gestion du ferroutage pressentie est celle d’Artix-Lacq, et la perspective de gestion d’une partie du transport diffus sur les infrastructures d’Oloron n’est pas vraiment inscrite dans les cartons. Pourtant, entre les fèves de cacao (Lindt) et le maïs (Euralis et autres groupes), le report modal sur rail a du sens, d’autant que les entreprises questionnées ont exprimé des objectifs stratégiques de décarbonation. À l’issue de la concertation, le dossier d’enquête d’utilité publique sera déposé à l’été 2025. Sans présumer de la suite qui y sera donnée, la profession agricole doit y prendre toute sa part pour y défendre ses intérêts et celui des filières concernées.
J.-M. A.