Sécheresse et canicule frappent une grande partie de la France
Après un printemps aux très fortes précipitations, l’agriculture est confrontée aux fortes chaleurs et à la sécheresse qui sévissent ces derniers jours. Si les conditions climatiques ont des conséquences sur la vie de tous les Français, elles sont particulièrement pénalisantes pour l’agriculture française. Cultures et troupeaux souffrent des températures élevées et du stress hydrique.
«Le printemps a été délicat, il a plu énormément jusqu’au mois de mai ce qui a retardé la récolte des fourrages qui étaient de qualité moyenne, derrière il n’y a eu aucune repousse, car il n’y a pas eu une goutte d’eau, nous ne pourrons donc pas faire de deuxième coupe», déplore Pierre-Édouard Millot, éleveur en Haute-Saône. Un constat que partagent de très nombreux éleveurs dans toutes les régions de l’Hexagone.
«L’irrigation ne suffit plus», «Plus de verdure dans les campagnes»… Voici un exemple de ce que l’on peut lire sur Tweeter ces derniers jours. L’inquiétude des agriculteurs est aussi perceptible sur les réseaux sociaux où les témoignages se multiplient. La canicule, qui touche actuellement 67 départements, s’accompagne en effet d’une importante sécheresse. 39 départements ont été placés en alerte sécheresse. Dans 10 départements, tous les prélèvements d’eau non-prioritaires, y compris pour l’agriculture, sont interdits. Dans les 29 autres, les restrictions ne concernent que les particuliers.
Compenser le manque de nourriture
Par manque de nourriture pour leurs animaux, les agriculteurs, et notamment les éleveurs, doivent trouver des solutions. «Nous sommes obligés de taper dans nos stocks de fourrage pour l’hiver», confie Pierre-Édouard Millot. «Mais nous allons devoir trouver des solutions pour ne pas être à court, nos silos sont déjà bien entamés…», poursuit-il. Il a commencé à acheter des fourrages à l’extérieur, cependant ces emplettes sont onéreuses. «S’il n’y a pas beaucoup de fourrages chez nous, j’imagine que c’est la même chose ailleurs et cela se ressent sur les prix», déplore-t-il.
La chaleur a également des conséquences sur les élevages. En raison des températures élevées les animaux passent en effet moins de temps à se nourrir. Pierre-Édouard compte en moyenne une diminution du rendement de 2 à 4 litres par vache. Les pertes sont difficiles à évaluer sur le long terme mais l’éleveur de Haute-Saône estime que la sécheresse lui a, pour le moment, coûté au moins 15.000 euros, sans comptabiliser les pertes de production.
Dans le Grand-Ouest aussi la nourriture fait défaut. En Mayenne par exemple, les 600.000 bovins manquent de nourriture, conséquence directe de la sécheresse, mais aussi de l’augmentation des prix des fourrages. «Dans notre département, nous sommes nombreux à avoir des contrats avec nos coopératives, or il se trouve qu’en raison de la sécheresse, mais aussi de spéculation sur la paille, ces contrats ne seront pas honorés», s’insurge Philippe Jehan, président de la FDSEA de la Mayenne.
«Ne pas spéculer sur la paille»
Les responsables syndicaux en appellent à la raison pour empêcher la spéculation sur la paille et contrer la concurrence déloyale de pays, eux aussi victimes de la sécheresse, qui viennent acheter de la paille française à des prix élevés. Dans de nombreux départements, des opérations paille sont organisées, les producteurs les plus chanceux font ainsi preuve de solidarité envers leurs collègues touchés par la sécheresse.
Sur les marchés mondiaux, c’est le prix du blé que la sécheresse fait flamber. Il a franchi la barre des 200 euros la tonne en juillet, les cours du blé étaient en hausse de 6% le 3 août, après avoir frôlé les 220 euros le 2 août, à 219,75 euros. Ce pic n’avait pas été atteint depuis 2014.
Dans toute l’Europe
La sécheresse et la canicule ne touchent pas que la France, mais une grande partie de l’Europe. Des températures élevées ont été observées en Suède, 15°C au-dessus des normales saisonnières. En Allemagne, la récolte des céréales devrait baisser de 20%. Les agriculteurs d’outre-Rhin ont d’ailleurs réclamé des mesures exceptionnelles au gouvernement qui peine à leur répondre. Pour accompagner les producteurs européens, l’Europe a annoncé que les agriculteurs pourront toucher en avance jusqu’à 70% des paiements directs et 85% des fonds de développement rural.
Si la FNSEA «salue» cette décision, elle souligne que «les conditions climatiques ne pourront permettre d’envisager du travail au sol ni de réaliser des semis dans de bonnes conditions». Ceci conduit les agriculteurs «soit à se mettre dans l’illégalité vis-à-vis des obligations de verdissement soit à réaliser des semis administratifs en pure perte», poursuit l’organisation. Elle demande donc «une dérogation à l’implantation des CIPAN et SIE sans préjudice sur le paiement vert ainsi qu’une reconduite de l’ATR (avance de trésorerie remboursable) à hauteur de 90% des aides PAC en raison de la fragilité des situations économiques des exploitations».
Lundi 6 août en fin de journée, une source proche du dossier a affirmé que le ministère de l’agriculture avait répondu à la FNSEA. Ce dernier a indiqué que «concernant les dérobées, qui comptent pour les SIE, les agriculteurs doivent les semer. Si les semis ne poussent pas les producteurs devront envoyer un courrier à la DDT pour signaler un cas de force majeur».