Semences : le système actuel menace-t-il la diversité des variétés ?
Alors que l’enseigne Carrefour relance sa campagne pour son «marché interdit», qui commercialise des produits issus de semences paysannes, le GNIS fait le point sur le système actuel d’homologation des variétés et rappelle que le catalogue n’interdit pas la culture des variétés non inscrites.
Qu’est-ce qu’une semence ? Comment sont créées les nouvelles variétés ? Peut-on toujours utiliser les anciennes ? Pour répondre à un certain nombre de questions autour de la semence, l’interprofession des semences et plants (GNIS) a organisé un rendez-vous inédit, les Ateliers du GNIS, autour de l’économiste Pascal Perri, du scientifique Rémy Cailliatte (adjoint au chef de département de biologie et amélioration des plantes de l’INRA) et d’Olivier Joselon, qui travaille dans une entreprise de production et commercialisation de semences potagères.
Le système actuel d’homologation des variétés de semences est en effet régulièrement remis en cause, accusé d’appauvrir la biodiversité. L’exemple de la campagne de communication de Carrefour, lancée en 2017 et relancée cette année, l’illustre bien : «la loi vous prive de 97% des fruits et légumes», assène la vidéo diffusée par l’enseigne pour mettre en avant son «marché interdit», une vente de fruits et légumes cultivés par des producteurs locaux à partir de semences paysannes, des semences non référencées dans le catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées en France.
«Le catalogue n’interdit pas la culture des variétés anciennes», rappelle pourtant Rémy Cailliatte, qui poursuit : «l’agriculteur peut vendre les produits de la récolte mais pas ses semences». En revanche, le système actuel d’inscription des variétés permet, selon lui, de protéger les utilisateurs des semences et plants, assurant que le produit sera conforme à un certain nombre de caractéristiques (homogénéité, qualité des semences, absence de maladies…). «La qualité de la semence, c’est la première assurance d’un agriculteur», insiste Olivier Joselon.
Prise en compte des besoins des consommateurs
Les variétés qui sont mises sur le marché répondent à différents besoins : ceux des agriculteurs, qui cherchent les variétés résistantes aux maladies (pour utiliser le moins de traitement possible) et au stress climatique, tout en garantissant un rendement suffisant, ceux des industriels qui ont besoin de certaines propriétés lors de la transformation, et ceux des distributeurs en matière de coût de logistique et de réponse aux attentes des consommateurs.
Une instance paritaire public/privée, le Comité technique permanent de la sélection des plantes cultivées (CTPS), est chargée de proposer l’inscription de nouvelles variétés au catalogue, et les consommateurs y sont représentés. Les qualités gustatives reviennent d’ailleurs au premier rang des axes d’amélioration. Le cas de la tomate est symbolique : après avoir privilégié pendant longtemps le gène “longlife”, qui permettait aux tomates d’être récoltées avant maturité et de ne pas s’abîmer trop vite sur les étals, les variétés actuelles prennent davantage en compte l’aspect gustatif.
Sans compter que «le catalogue est un point d’accès au marché égalitaire», explique Rémy Cailliatte : l’inscription est au même montant pour tous, les procédés de validation et de contrôle sont les mêmes. Sans le catalogue, explique-t-il, seuls ceux des grands groupes, plus puissants et avec un important budget dédié au marketing, vendraient leurs variétés, au détriment de la diversité et du consommateur.
Ce dernier, friand de variétés anciennes, peut ainsi se réjouir de voir progresser dans les rayons la diversité des fruits et légumes proposés à la vente. Le GNIS précise que chaque année, 150 variétés nouvelles sont ajoutées aux 3.200 déjà sur le marché, quand seulement 500 variétés étaient proposées en 1971.
Un conservatoire des variétés
Par ailleurs, les variétés anciennes, mêmes délaissées par la grande distribution et des jardiniers amateurs, font l’objet d’un travail de conservation important par les sélectionneurs, témoigne Olivier Joselon, dont le métier est aussi de maintenir ces variétés pour une remise en production ultérieure éventuelle ou pour la recherche.
Une recherche orientée, d’ailleurs, dans un sens plus agronomique et environnemental par les études VATE (valeur agronomique, technique et environnementale) menées pour chaque variété avant l’inscription au catalogue. Le système n’empêche d’ailleurs pas les semences paysannes de se développer, d’être échangées, et leurs produits peuvent être vendus dans tous les points de vente qui souhaitent les commercialiser, rappelle également le GNIS.