Suicide en agriculture : Denormandie promet «un plan d’actions dans les prochains mois»
Missionné en février dernier par le ministre de l’Agriculture pour réfléchir sur le mal-être et la prévention du suicide en agriculture, le député Olivier Damaisin (LREM, Lot-et-Garonne) a remis, le 1er décembre, son rapport au Premier ministre, Jean Castex qui préconise 29 actions.
Sur la couverture de son rapport de 88 pages intitulé «Identification et accompagnement des agriculteurs en difficulté et prévention du suicide», le député Olivier Damaisin (LREM, Lot-et-Garonne) a pris soin d’écrire : «Les 4 R à méditer : repos, recul, réseau, rebond». Ce moyen mnémotechnique ne suffira sans doute pas à éradiquer totalement ce qui constitue la troisième cause de mortalité (le suicide) dans le milieu agricole après les cancers et les maladies cardiovasculaires.
De nombreux facteurs
Les causes du passage à l’acte sont connues et multiples, concentrant sur une seule personne de nombreux facteurs : l’isolement, l’absence de perspectives en vue de la transmission, la concurrence et l’instabilité sur les marchés induisant des baisses de revenus, la difficulté à anticiper les orientations, l’endettement, la complexité des démarches administratives, les mises aux normes et leurs investissements, les aléas climatiques, les crises sanitaires, les agressions dans les exploitations… Quand la pression devient trop forte et que le sentiment d’échec devient irréfragable et que le désespoir emporte tout, l’irréparable se commet. C’est environ un agriculteur qui se suicide par jour.
Pour prévenir ce mal-être, le député du Lot-et-Garonne, qui a lui-même été confronté à un agriculteur au bord du gouffre, propose sept recommandations détaillées en 29 actions. Parmi les principales, il faut retenir la mise en place d’un «référent départemental» qui pourra s’appuyer sur les plateformes d’écoute dédiées au mal-être et au risque suicidaire mais aussi sur un vaste réseau d’acteurs locaux : syndicats, chambre d’agriculture, vétérinaires, fournisseurs etc.
Conscient que les difficultés financières constituent un facteur aggravant, Olivier Damaisin insiste sur la nécessité d’accompagner les agriculteurs en difficulté. À ce titre, il suggère que les Safer notamment puissent racheter des parcelles afin de soulager les agriculteurs du poids de l’endettement. L’agriculteur pourrait continuer à les cultiver moyennant un bail avec option d’achat, le libérant d’un certain poids psychologique.
Prévenir les risques
Le rapport insiste aussi sur la nécessité de prévenir le suicide et de sensibiliser les futurs agriculteurs à la prévention des risques, notamment par la mise en place d’un tutorat : accompagner le jeune agriculteur installé, par un agriculteur expérimenté, indique le rapport. «Le ministère chargé de l’agriculture pourrait renforcer cet aspect dans les programmes de formation initiale», ajoute-t-il.
Le député préconise aussi de «former les agents publics et les conseillers à l’accueil et à l’écoute personnalisés des agriculteurs pour traiter les situations difficiles» et de «doter les services de l’État et les chambres d’agriculture des moyens nécessaires à l’accompagnement des agriculteurs en difficulté face aux procédures administratives».
Enfin, face à la situation d’épuisement professionnel ou de burn-out, Olivier Damaisin demande que l’État donne les moyens à la MSA de poursuivre son acte d’aide au répit pour permettre aux agriculteurs de souffler et de prendre soin d’eux.
Un plan d’action «dans les prochains mois»
Dans un communiqué publié le 2 décembre quelques heures après la remise d’un rapport sur le sujet par le député du Lot-et-Garonne, le ministère de l’Agriculture a fait savoir que Julien Denormandie proposera «un plan d’action opérationnel» visant à prévenir les suicides d’agriculteurs «dans les prochains mois».
«Le rapport d’Olivier Damaisin rappelle que prévenir, détecter, remettre l’humain au cœur des relations, tout en accompagnant les agriculteurs dans leur quotidien, doit constituer un engagement fort de l’État. Nous allons nous y atteler dès à présent pour proposer un plan d’action concret, fondé sur les propositions de ce rapport», a déclaré Julien Denormandie, cité dans le communiqué de presse du ministère.
Le plan d’action sera conçu avec les ministères de la Santé et du Travail et impliquera «chaque acteur concerné, dans sa pratique professionnelle, dans son lien social, dans son rapport économique avec les agriculteurs, mais également dans sa perception de la réalité du travail agricole», précise le communiqué.
La FNSEA appelle au «devoir de vigilance»
«Nous devons tous, agriculteurs et autres acteurs du monde rural, être vigilants pour sensibiliser en amont, repérer les situations difficiles, échanger avec ceux qui les vivent pour dédramatiser, esquisser des sorties possibles du tunnel. La main tendue est au cœur de notre mission syndicale», a réagi la FNSEA.
Rappelant qu’il existe des structures d’écoute (Agri’écoute, Réagir…) [En savoir plus >>> Casser la spirale du mutisme qui entoure le suicide en agriculture], le syndicat s’inquiète de la pression permanente subie par les agriculteurs. Afin de remédier à ce «fléau du suicide, il est impératif que les politiques agricoles et communautaires permettent une juste rémunération du travail fourni par les agricultrices et les agriculteurs, c’est le combat quotidien de la FNSEA. Il est aussi nécessaire que soit enfin mis l’accent sur les formidables progrès réalisés par l’agriculture au cours des décennies passées. Et ils sont nombreux !»
Agri’Écoute, service dédié au monde agricole et rural accessible 24 heures/24 et 7J/7 (prix d’un appel local) : 09.69.39.29.19. |