Une conjoncture céréalière maussade
La qualité de la récolte française devrait être un atout pour regagner des parts de marché à l’exportation, notamment en Afrique de l’Ouest et au Maroc. Cette perspective vient donner un peu de baume au cœur pour la filière, dont les prix sont enlisés sous les coûts de production.
La société de conseil Agritel s’est montrée, le 31 août dernier, «très inquiète» pour la filière céréalière, dont les prix sont enlisés sous les coûts de production. Michel Portier, son directeur général, estime que la campagne 2017-2018 va «continuer de dégrader la trésorerie des exploitations», a-t-il expliqué en conférence de presse.
«Il manque 30 euros la tonne de blé» entre le prix payé au producteur de quelque 135 euros/t et le seuil de rentabilité à 164 euros/t. Cela représente une perte d’environ 200 euros/ha, après celle de 600 euros/ha l’an dernier, d’après ses calculs. Une situation identique est présentée pour l’orge. À la moisson catastrophique de 2016 succèdent des rendements en blé 2017 légèrement inférieurs à la moyenne olympique (calculée en enlevant les extrêmes) et très hétérogènes, a-t-il indiqué.
Rebond français à l’export
Agritel juge le potentiel de hausse limité sur les marchés mondiaux, autour de 25 dollars/t cet hiver, la Russie pouvant rencontrer des problèmes logistiques avec une grosse récolte mais des capacités portuaires limitées et des difficultés de transport. Par ailleurs, les taux de change font pression sur les prix : le blé sur Euronext serait 20 euros/t plus élevé si la monnaie européenne n’avait pas grimpé de 1,06 dollar en avril à 1,20 dollar, d’après le cabinet d’experts. Les stocks mondiaux de blé apparaissent «très confortables», les grands pays exportateurs affichant un surplus de 35 millions de tonnes (Mt).
Point positif, Agritel annonce un «retour de la France à l’export». La récolte nationale est estimée à 36,78 Mt de blé tendre, après 27,56 Mt l’an dernier. Surtout, la qualité est au rendez-vous : le taux de protéines dépasse 12% pour 66% de la collecte, un niveau exceptionnel, le poids spécifique et l’indice de Hagberg sont satisfaisants. Ce n’est pas le cas pour d’autres pays exportateurs. Le marché du blé présente «un manque de protéines au niveau mondial», a signalé le chef analyste Alexandre Boy.
Aux États-Unis, la sécheresse a entraîné de mauvais rendements pour les blés de printemps, qui sont les plus protéinés. En Russie, c’est la production record qui va de pair avec une moindre qualité. Elle est estimée à plus de 80 Mt, en hausse de 65% par rapport à la moyenne 2001-2015. L’amélioration des rendements est synonyme d’une dilution de la protéine.
Regagner des parts de marchés
Autre facteur, la montée en puissance des blés d’hiver, moins riches en protéines. L’Allemagne connaît pour sa part une faible récolte. Et d’abondantes précipitations ont dégradé la qualité : près de la moitié du blé allemand serait déclassé en fourrager, selon Agritel. «La qualité de la récolte française est un atout pour regagner des parts de marché significatives sur l’Afrique de l’Ouest et le Maroc», a considéré Alexandre Boy.
Ces deux destinations figurent parmi les marchés traditionnels du blé tricolore, en perte de vitesse l’an dernier faute de volume et de qualité suffisantes. «Ça va être compliqué de regagner des parts de marché quand le client a goûté à la concurrence», a-t-il tempéré. L’Algérie, client numéro un, plébiscite quant à elle l’origine France, qui a représenté 100% de ses approvisionnements à l’international en juillet/août.
Le blé français opère globalement «un début de campagne correct», tiré par un bon courant d’export vers l’UE. Explication d’Agritel : la moisson tardive Outre-Rhin a créé un appel d’air quand l’Hexagone en a connu une très précoce et qualitative.