Y a-t-il un lien entre déficit de compétitivité et coût de la main-d’œuvre ?
Saisie en décembre 2014 par les ministres chargés du travail, des affaires sociales et de l’agriculture, une mission de l’Inspection générale des affaires sociales et du conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) a réalisé un rapport sur «les écarts de compétitivité dans les secteurs agricole et agroalimentaire liés au coût du travail» entre la France et sept autres États européens que sont l’Allemagne, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, l’Italie, les Pays-Bas et la Pologne.
Finalisé en août 2015, ce rapport qui s’intéresse particulièrement aux filières fruits et légumes frais et viandes de boucherie et de volaille, a été diffusé le 16 décembre par le ministère de l’agriculture. S’il reconnaît clairement la perte de compétitivité de l’agriculture française, il n’établit pas un lien incontestable entre les écarts du coût du travail et la compétitivité.
Une perte de compétitivité avérée
Sur le marché des huit États comparés, en dix ans (2003-2013), la France a considérablement perdu en parts de marché, passant de 8% à 4% en fruits frais, de 13% à 10% en légumes frais, de 11% à 9% en viande de boucherie, de 18% à 9% en viande de volaille, soit une baisse comprise entre 20% et 50% selon les secteurs. Pourtant, dans le même temps, le coût du travail a augmenté dans l’ensemble des pays. En arboriculture fruitière, c’est même en France que le salaire chargé a le moins progressé (+11,6% entre 2004 et 2012 contre + 12,2% en Allemagne, 13,5% en Italie).
Dans l’abattage de viande de boucherie cependant, les inégalités pointées du doigt par les agriculteurs français semblent davantage justifiées. La France est au deuxième rang des pays ayant eu la plus forte augmentation du coût du travail depuis 2008 (+14,2%, à 39.300 euros en 2012) derrière les Pays-Bas (+21,5%, à 43.000 euros) et loin devant l’Allemagne (+2,1%). En viande de volaille, la France est encore le pays ayant subi la deuxième plus forte hausse du coût du travail entre 2008 et 2012 (+14%, à 37.000 euros), derrière l’Italie (+23,1% à 30.400 euros), tandis que l’Allemagne a vu ses coûts augmenter de 5% seulement, à 27.800 euros.
Le rapport déduit de ces chiffres que «l’analyse des coûts salariaux permet d’établir une causalité avec la perte de compétitivité du secteur». D’autant plus que l’impact du recours à la main-d’œuvre étrangère, vue par les agriculteurs français comme un amplificateur de distorsion de concurrence, est difficile à évaluer, estime le rapport.
Des écarts qui tendent à s’atténuer
Les mesures récentes mises en œuvre dans les différents États devraient peu à peu combler les écarts en matière de coût de la main-d’œuvre, indique le rapport. Ainsi, «les allégements tirés du Pacte de responsabilité et du CICE s’ajoutant aux exonérations existantes» en France, combinés aux hausses du coût du travail prévues en Allemagne, devraient rétablir un équilibre entre les deux États à compter de l’année 2017, avec un salaire horaire minimum chargé aux alentours de 10,20 euros.
En conclusion, le rapport précise cependant que le coût du travail ne fait pas tout, citant en exemple les Pays-Bas qui «arrivent à compenser des coûts unitaires du travail très élevés dans leurs productions légumières sous serres qui se révèlent très compétitives en termes de coûts de production et donc de prix au consommateur».