Accords commerciaux : La FNSEA dénonce un marché de dupes
D’un côté, la France impose des mesures drastiques aux agriculteurs. De l’autre, elle ouvre ses frontières aux produits du Canada et du Mercosur, «qui ne respectent pas nos normes de productions environnementales et sociales». À l’appel de la FNSEA, les producteurs des Pyrénées-Atlantiques ont conduit une opération coup de poing au Promocash et au Métro à Lons, et chez Pédavia à Saint-Palais, pour dénoncer cette «concurrence est déloyale».
La FNSEA et les Jeunes Agriculteurs ont lancé, cette semaine, un appel à mobilisation pour dénoncer les distorsions de concurrence dont sont victimes les agriculteurs français. «D’un côté, l’État contraint, interdit, limite, taxe, freine et fragilise les entreprises agricoles, écrivent les deux syndicats. De l’autre, il ouvre les frontières et poursuit les négociations avec le Mercosur et le Canada, organisant ainsi un véritable dumping social et environnemental».
«Nous ne pouvons plus accepter que le gouvernement français joue un double jeu», s’indigne Bernard Layre, secrétaire général de la FNSEA Nouvelle-Aquitaine et président de la FDSEA des Pyrénées-Atlantiques. Pour dénoncer cette «incohérence des décisions des pouvoirs publics», les producteurs basques et béarnais se sont donc mobilisés ce mardi 19 décembre. Ainsi à Lons, une quinzaine d’éleveurs ont visité le Promocash et le Métro pour examiner les étiquetages.
«Privilégier le local»
Dans les rayonnages du Promocash, peu de viande estampillée France. Et même des têtes de veau sans aucune étiquette d’origine… Ils en trouveront un peu plus au Métro. «Les grandes surfaces, et notamment celles qui travaillent avec la restauration hors domicile, doivent beaucoup plus travailler avec un approvisionnement local, commente Bernard Layre. Dans notre département, on n’est même pas à 25% de consommation de produits locaux en RHD, alors que certaines régions sont à 80%».
Au Pays basque, un groupe d’éleveurs s’est rendu dans l’atelier de découpe de la boucherie Pédavia, située route d’Aïcirits à Saint-Palais. Arnaud Aguerre, responsable commercial, a accompagné la petite délégation de syndicalistes lors d’une visite des locaux. «Ce n’est pas la première fois que l’on reçoit les éleveurs ici. Nous sommes transparents sur notre activité», souligne le responsable. Les producteurs ont ainsi pu examiner l’étiquetage de la viande traitée dans l’atelier basque. Et comme à Pau, à leur grand dam, constater l’origine de la viande. «Pays-Bas, Espagne, Allemagne… C’est l’Europe !», ironise, sidéré, Frédéric Carrère.
Au milieu des nombreuses caissettes de faux-filets européens qui emplissent la chambre froide, se glissent, tout de même, quelques morceaux de viande produits dans l’Hexagone. Mais «pas assez», aux yeux des syndicalistes. Selon Arnaud Aguerre, le prix n’est pas le premier critère retenu ; il estime que la viande étrangère s’adapte mieux à la demande du consommateur. «Les gens veulent des entrecôtes de 200 grammes alors que celle d’ici en fait 900», observe-t-il. Les quantités rentrent également en compte. «Il faut que l’on puisse répondre à tous nos clients.»
Une histoire de prix
Pour le syndicaliste Laurent Etchégaray, ce choix est avant tout une histoire de prix. «Les autres pays n’ont pas les mêmes coûts de production et forcément ils ne vendent pas leurs viandes au même prix». Des coûts de production qui différent mais aussi des règles sanitaires. «Dans ces conditions, nous ne pouvons pas être plus concurrents que ces pays-là», regrette-t-il.
Le groupe d’agriculteurs reste cependant convaincu d’une chose : la viande française doit avoir sa place dans les cuisines des restaurants de l’Hexagone. «Le grand travail à faire est au niveau de la restauration qui ne joue pas le jeu. Même ici, à Saint-Palais, je suis sûr que certains s’approvisionnent en viande étrangère. Et cela principalement à cause des prix».
Laurent Etchégaray conserve une once d’optimisme en sortant de cette visite surprise. «Il y a quand même une volonté de la part des responsables de Pédavia d’être visible et de promouvoir tout de même la viande française», concède-t-il. «Notre message commence à passer car on voit une part de plus en plus importante de produits locaux, conclut Bernard Layre. Il faut continuer à faire entendre notre voix pour que demain on soit largement majoritaire dans les linéaires».
Y. Allongue et B. Ducasse