Aides PAC : le rôle des Régions alimente le débat
Faut-il confier tous les financements de la PAC aux Régions pour améliorer compétitivité, innovation et orienter les agricultures régionales ? La question a été vivement débattue à Rochefort-sur-Mer, par les représentants des douze chambres d’agriculture de l’arc-Atlantique.
Faut-il tout miser sur les Régions pour définir, gérer, influencer et influer sur l’agriculture dans les territoires? Au terme du débat du congrès des chambres d’agriculture de l’arc-Atlantique, le jeudi 31 août dernier, à Rochefort-sur-Mer (Charente-Maritime), la question n’est pas tranchée. Loin de là.
Il faut dire que les visions divergent entre Alain Rousset, président de la Région Nouvelle-Aquitaine, anti-jacobin, et Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, partisane d’une ossature nationale, mais aussi entre un Hervé Guyomard (INRA) prônant les «solidarités verticales et horizontales» sur des marchés de produits dans une PAC distinguant ce qui est de son ressort ou pas, et un député européen Jean Paul Denanot annonçant de facto une baisse des budgets.
Jouer l’Europe
En introduction du débat, Hervé Guyomard, directeur scientifique à l’INRA, replaçait le cadre : budgets contraints, recherche de la multiperformance, pertinence des biens communs, lien avec les politiques publiques, gestion du risque, enjeux de l’alimentation et de la bio-économie. Rien de bien nouveau, même sous le soleil rochefortais. Ce qui titillait les présidents et les directeurs des chambres d’agriculture, c’était plutôt de savoir ce qu’il adviendra dans la nouvelle mouture de la PAC.
Que les arcanes du premier pilier ou celles du second dussent être étanches, rien n’était moins sûr entre un président de conseil régional, un député européen et la leader syndicale. Hervé Guyomard était lapidaire : la pertinence de ce distinguo n’a aucun sens pour les non-agriculteurs. «L’agriculture n’a pas d’autres choix que de jouer l’Europe, martelait Alain Rousset. La renationalisation n’est pas une solution !». Bloquant sur le lien climat-agriculture, Alain Rousset traçait les contours (vœux ou réalité?) d’une agriculture que l’on «peut orienter», même s’il en convient que les agricultures sont diverses du nord au sud de la plus grande région agricole européenne.
Décentralisation agricole
Volontairement, le président de la Nouvelle-Aquitaine booste, fulmine contre un pouvoir centralisateur, appelle de ses vœux une décentralisation agricole. Il prend en exemple «tout ce que fait» la Région pour l’agriculture : «Nous avons besoin d’une politique plus alerte, plus mobile. Impossible aujourd’hui dans le cadre rigide européen et parisien». Selon lui, cette économie agricole a besoin de «réactivité» que le carcan hexagonal, doublé de celui européen, ne permet pas. «Il faut du retour de l’humain dans les politiques publiques».
Quoi de mieux que la proximité… régionale. Il parle d’adapter le second pilier aux crises et de prévoir des programmes d’investissements. Il veut en finir avec «le modèle des aides compensatoires, non viables» pour «passer à un modèle d’innovation» : «vivre au fil de l’eau n’est plus acceptable». Impressionné par le modèle autrichien, Alain Rousset veut accompagner le «foisonnement des initiatives».
Christiane Lambert est directe, synthétique, pragmatique. Face au débat d’une «régionalisation» de la PAC, déjà effective, elle craint des disparités : «Les aides agricoles ont longtemps eu un caractère d’orientation, analyse-t-elle, mais il faut une réelle connexion politique avec la réalité». Alors de savoir si douze ASP feront mieux qu’une seule, elle en doute. L’ex-présidente de Vivea appelle les Régions à la formation pour mieux accompagner les jeunes agriculteurs aux mutations. Christiane Lambert n’en oublie pas le contexte général : «On ne peut pas demander plus et mieux à l’agriculture avec un budget moindre…» lâche-t-elle.
Sans budget, pas de PAC
Réagissant à l’obligation de résultat, prônée par Hervé Guyomard, elle ne dit pas non. Pour peu que moyens et résultats soient au diapason. «Il faudra aussi s’interroger sur la gestion du risque et sur l’appropriation du risque, car notre entreprise n’a pas de toit». Le député européen Jean-Luc Denanot rebondit : «Sans budget pas de PAC!». Et les vues d’économies possibles sur la PAC, Brexit oblige, l’inquiète. Claude Cochonneau, président de l’APCA, estime que, dans ces virages, «les chambres d’agriculture sont à la manœuvre».
Si Alain Rousset veut changer les paradigmes, en finir avec un «système néocolonial», c’est bel et bien l’articulation entre national et régional qui était au cœur du débat. Dominique Graciet, président de la chambre régionale Nouvelle-Aquitaine, évoque un «modèle décentralisé» mais craint les «modèles». D’autant plus que l’échelon régional dans l’échiquier politique est flou. Il «faudrait» un équilibre entre «le tout à la Région et le tout à l’État». Luc Servant parlait davantage de «politiques plus locales où la Région est une bonne échelle», qui implique que les agriculteurs sont «parties prenantes des politiques».
Avant 2020, il reste donc du grain à moudre. De plus, durant ces deux jours de travail, les chambres d’agriculture ont également planché sur l’offre de service de l’arc-Atlantique, sur le Brexit et sur les réponses des agricultures face à ces menaces, et enfin sur la cohérence à investir, innover ou imaginer.
Bernard Aumailley