Aquitanima va manquer à la promotion de la génétique bovine du Sud-Ouest
Initialement prévu du 16 au 24 mai, Aquitanima, a dû être annulé. Même si les éleveurs habitués du concours se veulent philosophes, l’impact sur la promotion de la génétique bovine régionale n’est pas négligeable.
Les mesures de sécurité sanitaire imposées par la crise du Covid-19 ont amené les responsables du Salon de l’agriculture de Nouvelle-Aquitaine a annulé la manifestation dès le 24 mars, entraînant de fait l’annulation d’Aquitanima. Chaque année, le salon de l’élevage et de la génétique bovine accueille entre 150.000 et 200.000 visiteurs, 400 vaches et leurs éleveurs venus de toute la région pour des concours de races, des présentations d’animaux et des ventes aux enchères.
«Nous sommes très tristes de ne pas pouvoir organiser la manifestation cette année, avoue Bruno Millet, commissaire général du Salon de l’agriculture de Nouvelle-Aquitaine. Au-delà de l’aspect économique, c’est toute la dimension de convivialité qui nous manque beaucoup aujourd’hui. Les retrouvailles et les échanges sont un élément fort de la dynamique d’Aquitanima».
Un lieu de rencontre
Michel Ducasse confirme. L’ancien éleveur a beau avoir pris sa retraite et laissé les rênes de l’exploitation de Begaar (Landes) à son fils Fabrice, il continue à régulièrement accompagner les animaux lors des concours auxquels les Prim’Holstein de l’élevage participent. «La première fois que je suis allé à Aquitanima, qui ne s’appelait pas encore comme ça d’ailleurs, c’était en 1973. Et depuis, j’y retourne presque tous les ans, témoigne-t-il. C’est un lieu de rencontre avec les autres éleveurs. Il y a une très bonne ambiance. Cela permet de recharger les batteries et d’oublier un peu les contraintes de l’élevage laitier».
Même son de cloche pour Sébastien Toulet-Blanquet, éleveur de Bazadaises à Haut-de-Bosdarros (Pyrénées-Atlantiques). «Dans notre race, il y a peu de concours départementaux. Du coup, chaque année Aquitanima nous permet de sortir de la maison, nous offre une bouffée d’oxygène… Et parfois un petit moment de gloire quand on arrive à faire un prix !»
Plus-value commerciale
Tous comprennent et acceptent très bien l’annulation de la manifestation. «Le plus important, c’est la santé des gens, insiste Michel Ducasse. Et puis, il y a encore beaucoup de maïs à faire sur les exploitations. Alors quelque part, c’est un mal pour un bien !» À Vielleségure (Pyrénées-Atlantiques), Julian Bracot acquiesce. À 33 ans, l’éleveur de Blondes d’Aquitaine avoue même que la période d’organisation d’Aquitanima n’est «pas terrible» et qu’il a presque été «soulagé quand il a appris» l’annulation. «Au mois de mai, entre les foins et le maïs, c’est un peu compliqué de se libérer. Ce serait plus facile fin mars, début avril…»
Pourtant, chaque année, il «fait l’effort» de participer au salon. Un effort qui, au final, se révèle payant. L’année dernière, il a notamment remporté un premier prix avec Okinawa, une génisse de moins d’un an. «Mon père a commencé les concours dans les années 2000 et j’ai continué pour faire voir la génétique de mon troupeau. Participer à des concours en général et à Aquitanima en particulier nous a permis d’être reconnus dans toute la France et de vendre des reproducteurs.»
Sébastien Toulet-Blanquet constate lui aussi que monter sur le ring l’aide à vendre quelques animaux. «L’année dernière, des éleveurs sont venus m’acheter des bêtes et ils m’ont dit qu’ils ne venaient pas chez moi par hasard, qu’ils s’étaient renseignés sur mes résultats au concours…»
Pas d’Aquitanima Tours
«L’annulation du salon contrarie toute la promotion autour de la génétique bovine», regrette Bruno Millet. Si pour maintenir le lien avec le grand public, une Semaine de l’agriculture de Nouvelle-Aquitaine virtuelle va être organisée du 18 au 20 mai, «les concours d’animaux ne sont pas remplaçables.»
Les Aquitanima Tours non plus. Chaque année, en amont du salon, trois jours de circuits techniques dédiés aux races Blonde d’Aquitaine, Limousine et Bazadaise étaient proposés à près de 80 délégations étrangères. Une centaine d’opérateurs du monde de l’élevage venus d’Espagne, de Belgique, de Grande-Bretagne, mais aussi d’Australie, d’Amérique du Sud et des pays de l’Est venaient nouer des contacts commerciaux ou rechercher un accompagnement technique.
«Avant même de se poser la question d’annuler le salon, nous savions que les Aquitanima Tours ne pourraient pas se tenir cette année, déplore Pierre Lesparre, délégué à l’international pour la manifestation. Les avions ont très vite été cloués au sol alors nous avons rapidement envoyé un mail à tous les étrangers qui s’étaient inscrits de longue date et qui ont très bien compris…»
S’ils ne constituent pas la partie la plus visible du salon, les Aquitanima Tours «représentent une occasion unique de passer 72 heures avec de potentiels acheteurs. Ce format de trois jours offre beaucoup de qualité dans la relation. Et au-delà de la promotion de la génétique, nous en profitions également pour ajouter une dimension touristique et gastronomique au circuit, afin de donner envie à nos prospects de revenir dans la région !»
Pour ne pas totalement perdre le contact avec l’étranger, un partenariat a été noué avec la revue génétique espagnole Vacuno de elite (Vaches d’élite). Durant la semaine digitale, elle publiera des interviews d’éleveurs néo-aquitains de Blondes, de Limousines et de Bazadaises. Pierre Lesparre espère également que la foire de Salamanque, avec laquelle le salon est en partenariat depuis plusieurs années, pourra se tenir à l’automne… avant de retrouver les étrangers du monde entier lors d’une prochaine édition.
Cécile Agusti