À Bordeaux, la bio européenne affiche un front uni
Lors d’un congrès européen organisé à Bordeaux les 16 et 17 juin, les acteurs français et européens de la bio ont demandé davantage de soutien politique. Un enjeu central alors même que le Green deal vient de rehausser les objectifs de surfaces à 2030, que les États membres finalisent leurs déclinaisons nationales de la future Pac, et que la consommation recule en France et en Suède.
Sous les applaudissements de la salle, le maire écologiste de Bordeaux, Pierre Hurmic, a donné le ton dès l’ouverture. «Je suis très préoccupé de voir que le soutien de la France à la bio s’est fortement affaibli ces dernières années.» Comme lui, l’assistance n’a pas oublié les remarques de la Commission européenne sur le projet de plan stratégique nationale (PSN) français. En substance : les atouts de la haute valeur environnementale (HVE) restent à prouver, et les éco-régimes ne doivent donc pas la rémunérer à la même hauteur que l’agriculture biologique.
Mais la France n’est pas le seul pays à laisser les professionnels du bio sur leur faim. Car si l’Allemagne, la Suède, ou l’Autriche se sont fixées des objectifs de 30% de surface bio d’ici 2030, la plupart des États membres restent en dessous de l’objectif de 25% de SAU bio fixé par le Green deal. Comme le souligne un rapport de la Fédération internationale bio (Ifoam) publié en mars, la France et le Danemark affichent par exemple un objectif de 20%, quand l’Irlande et la Pologne visent 7%, et que les Pays-Bas n’ont même pas indiqué de chiffre.
Alors que les États membres finalisent leurs PSN, les représentants de la Commission ont indiqué lors du congrès que les négociations se poursuivent pour revoir les ambitions à la hausse. «Nous aimerions que les États membres fassent plus d’efforts sur le bio», a lancé Pierre Bascou, directeur du service durabilité de la DG Agri. Mais l’objectif de 25% bio fixé par le Green deal, a-t-il rappelé, n’est pas juridiquement contraignant. Il concerne par ailleurs l’échelle communautaire, et n’a pas vocation à s’appliquer à chaque État membres.
Trouver un nouveau souffle
Et s’il n’y avait que les objectifs… Pour l’Ifoam, le financement public n’est pas non plus à la hauteur. Même si les budgets sont annoncés à la hausse, ils restent, selon les professionnels, insuffisants pour atteindre les objectifs du Green Deal. Comme l’a rappelé Nick Lamkin, consultant britannique associé à l’Ifoam, l’enveloppe totale dédiée au bio va augmenter à partir de 2023, en passant de 2 à 3 milliards d’euros par an, en additionnant l’ensemble des PSN. Si ce budget permettra d’atteindre environ 15% de SAU bio d’ici 2030, entre 9 et 15 milliards d’euros seront cependant nécessaires selon lui pour concrétiser l’objectif européen. «Un coût que les marchés seuls ne pourront pas assumer», prévient le chercheur.
En matière de financement, le soutien public ne doit d’ailleurs pas se concentrer uniquement sur les aides à la conversion, ni même aux aides au maintien, plaide Pierre Bascou. «Avec le plan européen lancé en 2021, il y a d’autres moyens de soutenir le développement de la bio, à travers la demande, la restauration collective, les circuits courts et la recherche.»
Une logique dont certains pays se sont déjà emparés. Charlotte Bladh André, directrice de l’organisation Organics Sweden, rappelle que la Suède affiche déjà 38% de produits bio dans les cantines. «Un record mondial», sourit-elle. Comme en France, le chiffre d’affaires bio dans les grandes surfaces aurait en revanche reculé de 7,5% dans les grandes surfaces du pays. Une déception après des années de croissances à deux chiffres que Charlotte Bladh André explique par la popularité du local et des substituts végétaux à la viande. «Les distributeurs ont délaissé le bio dans leurs campagnes de publicité», regrette-t-elle.
La fronde française
Face aux déceptions politiques et économiques, les acteurs de la bio française ont affiché lors du congrès un front uni. «Il y a pu avoir autrefois des divergences entre les acteurs de l’amont et de l’aval dans la bio. Mais l’urgence fait que tout le monde maintenant a conscience qu’il faut renforcer les fondamentaux et les exigences de la bio pour qu’elle se développe», estime Jacques Caplat, président de Ifoam France.
Preuve de cette mobilisation, les structures membres d’Ifoam France (FNAB, ITAB, Synabio), ainsi que les organisations de la Maison de la bio (Natexbio, Synadis, Forébio), ont profité du congrès pour lancer leur «appel de Bordeaux.» Parmi les principales demandes : «un plan de développement de l’agriculture et de l’alimentation biologique», afin «d’enclencher la transition agricole, sociale et alimentaire.»
Le contexte y serait plutôt propice : le plan Ambition bio 2022 arrive à son terme, et le plan d’action européen publié en 2021 encourage les États membres à rédiger des feuilles de routes nationales. Mais «le gouvernement français n’a encore jamais mentionné un tel plan, et rien ne garantit pour l’heure qu’il sera mis en place», prévient Jaques Caplat. Les signataires espèrent malgré tout que leur initiative fera tache d’huile en Europe, et que la Commission pourra également rehausser l’ambition de son plan d’action communautaire.