Crise du lait : une remontée des prix en trompe l’œil
«En 2017, le prix du lait devrait remonter comme en 2014», autour de 360€ les 1000 tonnes (contre 320€ actuellement), a annoncé Thierry Roquefeuil, le 18 janvier. Pour autant, le président de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) craint que la crise ne soit pas derrière nous.
Pour endiguer la crise laitière, Bruxelles avait autorisé, en 2015-2016, la mise à l’intervention de la poudre de lait qu’il va falloir remettre sur le marché, soit plus 300.000 tonnes. Malgré tout, le président de la FNPL, Thierry Roquefeuil, prévoit une hausse du prix du lait de plus de 80€/1000 l dans l’année (310-320€/1000 l actuellement). «Je ne vois pas pourquoi on n’irait pas vers cela», surtout avec «des entreprises dynamiques à l’export».
Pour autant, il craint un pic de collecte au printemps, avec une remise sur le marché par Bruxelles des stocks de poudre de lait de manière inadéquate. «D’ici 18 mois, il faut avoir déstocké», souligne le président de la FNPL, faute de quoi la poudre ne sera plus vendable. De plus, si certains pays européens ont réduit leur collecte, il n’est pas dit qu’elle ne va pas repartir avec la légère hausse des prix qui se manifeste depuis quelques semaines.
«Certains éleveurs ne vont finalement pas réduire leur production» comme le leur permettait Bruxelles en échange d’une aide financière, souligne Thierry Roquefeuil. Cet argent, qui ne pourra plus être utilisé dans le sens d’une réduction de la production, pourrait servir à «financer l’aide alimentaire et déstocker», relève le président de la FNPL. Pour l’heure, les chiffres ne sont pas encore sur la table. Ils devraient arriver fin février.
6 à 7% d’exploitation en moins en septembre
En attendant, Thierry Roquefeuil assure qu’en France, 6 à 7% des exploitations laitières ont, en septembre, mis la clef sous la porte, sur un total de 65.000 environ. «Perdre 5 à 6% de producteurs tous les ans, ce n’est pas neutre», alerte-t-il évoquant la difficulté du renouvellement des générations. «L’un des enjeux de demain est de montrer que dans la filière laitière, on peut gagner de l’argent. Dans les dix ans à venir, la moitié des exploitations va changer de mains… s’il y a encore des mains!», s’exclame-t-il.
Le président de la FNPL s’interroge sur la disparition d’exploitations dans l’ouest de la France, là «où certaines étables sont performantes». «Fin 2017, on peut retomber sur ce que l’on a connu en 2015», craint-il également. Pour lui, la crise n’est pas finie. Il s’interroge sur la politique de Bruxelles. D’ailleurs, Phil Hogan, le commissaire européen à l’agriculture devrait être présent à l’assemblée générale de la FNPL en mars dont un des thèmes de travail sera «bilan et perspectives suite à la crise laitière».
Des éleveurs démotivés
Pour Thierry Roquefeuil, il faut maintenir la diversité de la filière et surtout, conserver des chefs d’exploitation responsables et éviter d’aller, pour le lait, vers les modèles intégrés, même si la question peut se poser après deux années de crise qui ont asséché les trésoreries et démotivé les éleveurs. «On commence à avoir des producteurs qui s’interrogent : ne vaut-il pas mieux avoir un salaire tous les mois? On aura tellement épuisé les gens sur leur exploitation que pour conserver leur tranquillité d’esprit, ils passeront à une forme salariale…», lance-t-il.
L’arrivée des élections présidentielles lui fait craindre également que «l’agriculture ne soit pas au centre des préoccupations des politiques dans les mois à venir, alors qu’elle l’est au cœur des citoyens. On aurait besoin que le citoyen soit à nos côtés». Thierry Roquefeuil précise aussi qu’à ne pas entendre les messages des producteurs, les politiques sont en «train de créer un appel d’air pour les extrêmes».