Des vœux d’Emmanuel Macron dans la lignée des États généraux
Formuler des vœux spécifiques au monde agricole était l’un des engagements de campagne d’Emmanuel Macron. Engagement qu’il a tenu le 25 janvier en se rendant à Saint-Genès-Champanelle dans le Puy-de-Dôme où il a prononcé un discours devant les représentants du secteur. Considérant le sujet prioritaire, le Président de la République a précisé sa vision, juste avant la présentation de la loi issue des États généraux de l’alimentation, et dans un contexte plus global de réforme de la politique agricole commune.
Conformément à ce qu’il avait prononcé dans son discours de Rungis, Emmanuel Macron a tout d’abord tenu à rappeler que «l’agriculture est à la croisée des chemins», et qu’une transformation s’imposait pour répondre aux demandes sociétales nouvelles.
S’il s’est d’ailleurs félicité de la position du gouvernement français sur le glyphosate, soulignant que «le rapport de l’Inra démontre très clairement que des solutions existent pour 90% des surfaces», il a ajouté qu’il n’imposerait «jamais une sortie s’il n’y a pas d’alternative crédible». Mais si une transition s’impose, c’est avant tout face à la nécessité d’obtenir une juste rémunération pour ceux qui produisent l’alimentation.
Rémunération des producteurs
L’élaboration d’une nouvelle stratégie nationale doit, en effet, se faire «avec des agriculteurs qui peuvent vivre des prix payés», a insisté le Président de la République. En ce sens, la loi promise suite aux États généraux de l’alimentation et qui sera présentée le 31 janvier au conseil des ministres comprendra bien les éléments évoqués «pour renverser la construction des prix, en partant des coûts de production», et instaurera, comme prévu, un relèvement du seuil de revente à perte, et l’encadrement des promotions.
Ces mesures devraient permettre de rééquilibrer le partage de la valeur, alors que les négociations commerciales actuelles se passent mal en dépit de la charte : «est-elle respectée? Je n’en ai pas l’impression», a reconnu le Président qui a désormais l’intention, si rien ne change, de nommer explicitement les distributeurs qui ne jouent pas le jeu. Il a par ailleurs indiqué que les ministres de l’Agriculture et de l’économie devraient réunir «la semaine prochaine», l’ensemble des acteurs pour les rappeler clairement à leurs engagements.
Emmanuel Macron a par ailleurs incité les filières à préciser leurs plans, notamment au niveau des indicateurs économiques, et assuré que la loi devrait donner un cadre juridique sécurisé pour permettre aux OP de peser davantage dans les négociations sur les prix. Le Président a aussi promis que la mise en place de l’épargne de précaution, que les agriculteurs avaient espérée pour 2018, serait effective sans faute au 1er janvier 2019.
Des points délicats sur l’Europe et l’international
Si le partage et la création de la valeur constituent, pour le Président, le premier chantier en matière d’agriculture, le deuxième est celui de «l’ouverture : infléchir notre stratégie agricole dans la mondialisation est une nécessité, mais nous ne devons pas pour autant nous en retirer», a-t-il estimé, évoquant les accords de libre-échange internationaux qui inquiètent les agriculteurs.
Les négociations pour l’accord UE/Mercosur, redoutées par la filière bovine en particulier, devraient ainsi continuer sur leur lancée. Le Président estime, en effet, que la solution reste d’adopter une stratégie défensive en France pour mettre en valeur la viande d’origine française, et a rappelé que de nouveaux marchés comme la Chine et la Turquie avaient récemment été ouverts.
Une annonce accueillit avec «stupeur» et «colère» par les éleveurs de la Fédération nationale bovine. Dans un communiqué diffusé à la suite des vœux prononcés par Emmanuel Macron, la FNB rappelle que le Président avait promis, en octobre, de revoir les conditions de négociations entre l’UE et le Mercosur, un accord qui risque de faire entrer des dizaines de milliers de tonnes de viande bovine sud-américaine en Europe «répondant à des standards opposés au modèle d’élevage français durable, herbager, vertueux, aux garanties incomparables sur le plan sanitaire…»
Une PAC au budget maintenu
Emmanuel Macron a, en revanche, réaffirmé sa volonté de mettre en place des mécanismes de gestion de la volatilité au niveau européen, au sein d’une PAC au budget maintenu, mais simplifiée, avec une subsidiarité en matière de gestion. De plus, «les aides directes doivent rester le premier filet de sécurité des agriculteurs», a-t-il indiqué.
En revanche, certaines erreurs ne doivent plus se reproduire, estime-t-il, comme pour l’ICHN : «on doit sortir de cette impasse», a soutenu le Président, précisant que les zones de montagne ne seraient pas touchées, mais que certains territoires qui posent aujourd’hui problème dans le cadre de la révision des zones défavorisées simples (les Deux-Sèvres, ou le Tarn-et-Garonne), risquaient bien de sortir du dispositif.
Le Président de la République compte cependant demander un délai de deux à trois ans pour accompagner ces territoires privés de l’aide financière. Une carte finalisée des nouvelles zones défavorisées devrait être présentée juste avant le printemps. Un printemps que le chef de l’État souhaite «penser pour notre agriculture» : «nous ne réussirons pas le printemps qui vient sans l’engagement résolu de toutes les femmes et les hommes qui font l’agriculture française, sans l’engagement résolu des élus et des territoires, sans l’engagement résolu de l’État et il sera là», a promis le Président en conclusion.
Des annonces concrètes, estiment la présidente de la FNSEA
La présidente de la FNSEA, Christiane Lambert, a réagi au discours d’Emmanuel MAcron, saluant «des choses très concrètes», comme l’épargne de précaution, les dispositifs assurantiels défendus par le président, ou encore la loi à venir suite aux États généraux de l’alimentation et qui devrait reprendre l’essentiel des propositions du secteur agricole.
«Bien sûr, nous vérifierons si les annonces sont tenues», a-t-elle prévenu, mais «le discours était attendu pour redonner de l’espoir sur les prix», un sujet sur lequel le volontarisme du Président de la République semble prouvé.
Néanmoins, certains points restent problématiques, comme «celui des zones défavorisées simples, avec des territoires qui sont aujourd’hui classés et qui risquent de quitter ce zonage, et donc de perdre l’aide financière, ce qui serait catastrophique», indique la présidente de la FNSEA.