Élection présidentielle: l’agriculture, oubliée du débat politique
Au lendemain de l’élection de Donald Trump aux États-Unis et quelques mois avant la présidentielle française, les présidents de la FNSEA et de JA avancent quelques propositions qui seront soumises aux candidats et alertent sur la nécessité, pour les politiques, de se reconnecter avec le terrain.
Le scénario de l’élection de Donald Trump «n’était pas à exclure, d’autant qu’il est peut-être à l’image de ce que l’on est en train de vivre… Ce qui me frappe, c’est que les gens se disent que tant que l’on n’a pas tout essayé, on peut essayer», a commenté Xavier Beulin, président de la FNSEA, lors d’une conférence de presse commune avec le président de JA, Jérémy Decerle, au lendemain de l’élection du candidat républicain aux États-Unis.
Un vote qui pourrait avoir une résonance en France, s’inquiète-t-il, rappelant la déconnexion entre les élites et le terrain, ainsi que la méfiance qui s’installe dans les territoires ruraux, de moins en moins représentés face à la croissance des métropoles.
Conséquence: on ne parle plus d’agriculture dans les débats politiques — en témoigne la campagne passée pour la primaire de la droite — y compris lors des débats sur l’Europe, oubliant que la PAC est bien la première politique vraiment commune mise en place au niveau de l’UE. Or, si des critiques sont parfois nécessaires, sur le fond, Xavier Beulin n’a «pas de complexes à dire tout ce que l’Europe a apporté de positif à l’agriculture, à l’économie, etc.».
Une administration hors-sol
Au niveau européen comme national, le problème est aussi celui de l’administration. Le président de la FNSEA remarque qu’en France, les hauts fonctionnaires conservent leur poste à vie, et ce n’est pas sans incidences sur la mise en œuvre des politiques.
Dernier exemple en date, le plan de refinancement annoncé par Manuel Valls: il ne devrait pas échapper aux méandres administratifs, avec une proposition technique de mise en œuvre bien trop complexe, indiquent les responsables agricoles. «Alors qu’on voudrait se poser des questions sur la gestion structurelle de cette crise, on est obligé de se battre sur du conjoncturel», regrette Jérémy Decerle.
Les propositions concrètes du syndicalisme
En vue des prochaines échéances électorales, le message aux politiques est donc clair, il faut «nous proposer quelque chose de plus cohérent», souligne Jérémy Decerle, qui déplore que pour le moment, ce que la profession obtient de haute lutte n’est souvent «pas mis en place correctement». «Il faut se battre comme des forcenés car ils n’ont pas pris conscience de ce qui se passe réellement», ajoute-t-il.
Si la FNSEA et JA n’ont pas encore détaillé leurs attentes vis-à-vis du prochain président français, le Conseil de l’agriculture française (CAF), dont les deux organisations sont membres, a d’ores et déjà finalisé un document (lire encadré ci-dessous). Sur une douzaine de mesures, qui seront ensuite présentées par la FNSEA et JA, les candidats à la présidentielle vont être par ailleurs invités à se positionner, notamment à l’occasion du salon de l’agriculture.
Agriculture de firme ou de ferme?
Xavier Beulin évoque ainsi la mise en place d’une fiscalité adaptée aux aléas du métier d’agriculteur, calculée par exemple sur trois exercices, pour éviter de payer des impôts très élevés, liés à la bonne année précédente, alors que l’année en cours est catastrophique. Le statut de l’agriculteur fait également partie des attentes de la profession, avec entre autres enjeux, celui de protéger les biens personnels en cas de faillite, et de favoriser les agriculteurs au lieu des investisseurs à la tête des exploitations.
«C’est important pour savoir ce que la France veut faire de son agriculture, si l’on veut une agriculture de firme ou une agriculture de ferme», développe Xavier Beulin en reprenant une formule chère au président de JA. Enfin, après des années de guerre des prix de la grande distribution, ravageuse pour les producteurs, le président de la FNSEA entend faire passer aux candidats un autre message: «Cela fait des années que l’on veut se différencier par la qualité des produits, tout en gardant des prix à la consommation au niveau des standards mondiaux… Or si la France ne change pas son logiciel, qui mise tout sur la consommation, le pouvoir d’achat, on ne retrouvera pas d’emploi et d’investissement».
Quant au risque de voir la crise actuelle accentuer la tendance au vote extrême chez les agriculteurs, les deux responsables agricoles ne le minimisent pas: le contexte actuel «ne facilite pas la sérénité. Il y a des gens qui n’ont rien à perdre…», soupirent-ils.