Entre souveraineté alimentaire et énergétique, quelle priorité pour les surfaces agricoles ?
L’agriculture a devant elle la double mission de produire de l’énergie en plus de l’alimentation, ce qui ne va pas sans poser quelques questions. Le sujet a été débattu lors d’une réunion régionale organisée pra la chambre régionale d’agriculture de Nouvelle-Aquitaine Urgence alimentaire et climatique qui s’est tenue en Charente.
L’agriculture a devant elle la double mission de produire de l’énergie en plus de l’alimentation, ce qui ne va pas sans poser quelques questions. Le sujet a été débattu lors d’une réunion régionale organisée pra la chambre régionale d’agriculture de Nouvelle-Aquitaine Urgence alimentaire et climatique qui s’est tenue en Charente.
C’est dans un contexte de baisse des surfaces agricoles et de futurs départs massifs en retraite que l’agriculture va se voir confier de nouvelles missions. Pour Luc Servant, président de la chambre régionale d’agriculture Nouvelle-Aquitaine (CRANA) «sur la partie énergétique et climatique, l’impact du changement ne fait que s’amplifier. Le dernier rapport du GIEC montre que tout va s’accentuer. Il y a une urgence à agir, il faut réduire notre consommation de carburants fossiles et donc diversifier les sources d’énergie.»
Dans ce dernier domaine, les agriculteurs peuvent avoir leur rôle à jouer, mais attention à ne pas négliger leur rôle nourricier. «Les surfaces ne sont pas illimitées et il y a un risque de mise en concurrence des productions. Cela pose la question de la sûreté alimentaire.» Et ce malgré les gains de productivité. «Nous sommes passés de 4 milliards d’habitants dans années 1970 à presque le double, avec des espaces agricoles qui n’ont pas augmenté. Nous voyons que certains pays arrivent à développer leur agriculture comme le nord de la Russie. Mais il y a aussi la question de la souveraineté alimentaire de chaque État qui est apparue avec le Covid-19. Si on veut de la sécurité, il faut ramener la production chez nous», a rappelé Luc Servant.
Politique foncière
Dans ce contexte, les terres agricoles vont être sollicitées pour l’alimentaire ou la production énergétique. «Comment traduit-on ces objectifs dans les politiques locales ?», se demande Luc Servant. Fatima-Zohra Habbal, chargée d’économie pour la CRANA, rappelle que «l’artificialisation des sols augmentent depuis 1982 au détriment des espaces agricoles. La progression est d’1,4% an depuis 1982. L’évolution diffère en fonction des départements.» Des surfaces consacrées essentiellement aux infrastructures et aux transports.
Plus globalement, la SAU continue de baisser malgré les injonctions à réduire la consommation de foncier. Bertrand Dumas, chargés d’étude à la CRANA, note qu’en termes de souveraineté alimentaire, la
Nouvelle-Aquitaine a des arguments. «Nous avons des sols, mais qu’en fait-on en valeur économique ? La viticulture n’occupe pas beaucoup de territoire (10%) contrairement aux bovins. Pourtant avec 25% de terres agricoles, le bovin ne représente que 10% de la richesse agricole produite. La proportion est inverse avec la viticulture.»
Si le “manger local” a connu un essor pendant la période de crise sanitaire, en période de difficulté économique comme actuellement, ce n’est plus une priorité des consommateurs «qui font des arbitrages, contraints par des frais sur des systèmes en abonnements (voiture, loyer, téléphone). L’ajustement se fait sur des consommations sans abonnement, par exemple l’alimentation.» Conséquence : on observe «un décrochage sur le bio et les filières de qualité».
Multifonctionnalité
Sur l’autonomie alimentaire régionale, il reste encore du travail. «On n’est pas autonome sur tout. En fruit, on l’est si on aime les noix et les pommes. Sur le lait, nous en sommes loin. Et ça ne va pas en s’améliorant sauf si on aime le lait de chèvre puisqu’on en produit 46 fois notre consommation. Nous sommes aussi autosuffisants en bovin, ainsi en retard sur le porc. Et dans tout ça, n’oublions pas le tissu agroalimentaire».
Dans ce contexte, le chargé d’études note que les chiffres de la DRAAF montrent des tendances fortes : tendance à végétaliser, baisse du cheptel bovin, accélération des décapitalisations. Les surfaces agricoles sont plus que jamais devenues multifonctionnelles. «Elles sont utilisées pour la production mais aussi pour le stockage carbone, la biodiversité et avec une notion de paysage. On voit aussi un mouvement fort de retours à l’état sauvage.»
Avec deux questions qu’il reste à traiter sur le volet production énergétique. D’abord, la question de la reprise des exploitations pour pérenniser. «Comment reprendre quand les montants des capitaux sont de plus en plus importants ?». Ensuite, le foncier étant limité, «pourquoi rémunérer un agriculteur et pas le voisin. Se pose la question d’une notion de rétribution sur le territoire.»
Alexandre Veschini