FNSEA et JA rencontrent un E. Philippe «sensible à la grogne latente» des agriculteurs
«Nous avons dit au Premier ministre que les agriculteurs vivaient très mal la période actuelle (…) Je crois qu’il a été sensible à cette grogne latente dont il a entendu parler par les préfets qui commencent aussi à le faire remonter», a rapporté Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, à la sortie d’un entretien à Matignon le 2 octobre.
«Les agriculteurs vivent très mal la période actuelle : un budget a été présenté sans concertation ni consultation, les décisions sont prises à la va-vite, nous avons une vraie difficulté à être entendus par les députés En Marche qui, pour la plupart, découvrent les sujets agricoles, la situation économique est compliquée (…), les aides PAC ne sont pas versées (…), on ne parle plus jamais du monde agricole en positif mais on ne subit que des critiques ou des interdictions», a déploré Christiane Lambert pour qui «la coupe est pleine».
Mécanismes législatifs à revoir
Reçue, le lundi 2 octobre, avec le président de Jeunes Agriculteurs, Jérémy Decerle, elle a évoqué les sujets brûlants du moment, en premier lieu les États généraux de l’alimentation et la nécessité d’un retour de la valeur au producteur. «Le dogme du prix bas prévaut en France depuis trop longtemps», explique la présidente de la FNSEA qui estime que cela nécessite de «trouver des mécanismes français pour remonter les prix» : «encadrement des promotions, retoucher le seuil de revente à perte, revoir les clauses de renégociation, lutter contre les prix abusivement bas, mettre en place des contrats qui intègrent les coûts de production des agriculteurs français, et retoucher le droit à la concurrence européen qui tétanise tous les producteurs en France».
Après les déclarations de Michel-Edouard Leclerc sur le surcoût que ces mesures entraîneraient vis-à-vis du consommateur, Christiane Lambert tient à contrecarrer ses arguments : « M. Leclerc représente un ancien monde, celui des prix toujours plus bas, alors qu’aujourd’hui les consommateurs veulent autre chose — de l’origine, de la qualité — et ont un intérêt pour le sort des agriculteurs qui fournissent ces produits».
Les agriculteurs et les PME françaises sont d’autant plus victimes de ces prix tirés vers le bas que les distributeurs, sur des produits de consommation très prisés, se voient imposer des marges faibles, et se rattrapent donc sur les autres produits alimentaires.
Les JA veulent plus de cohérence
Au-delà des attentes sur les États généraux de l’alimentation, «on a redemandé clairement un peu plus de cohérence», précise Jérémy Decerle, président de JA. Une cohérence difficile à trouver entre le Ceta, qui autorise 43 substances interdites en France à entrer sur le territoire, parallèlement à la décision du gouvernement français d’interdire le glyphosate. Sur ce dernier point, Édouard Philippe a maintenu sa position et réaffirmé sa volonté de trouver des alternatives pour les agriculteurs.
Deux autres sujets de mécontentement ont par ailleurs été évoqués par la délégation. Ainsi, les 7 points de cotisations sociales supprimés par Manuel Valls en 2016 ont été remplacés, dans le PLFSS 2018, par un système complexe avec un taux fluctuant de 1,5 à 6,5% (6,5% au-delà de 43.000 euros de revenu annuel). Cette nouvelle mesure «tue la compétitivité que nous avions obtenue et ne nous convient pas du tout. Nous avons demandé au Premier ministre de revoir tout ce qui était possible pour avoir une approche plus positive», commente Christiane Lambert.
Enfin, dernière déception, «la non-intégration de l’épargne de précaution dans le budget de l’année prochaine, alors que c’était une promesse du président Macron», rappelle la présidente de la FNSEA. Reste maintenant à savoir si Édouard Philippe aura saisi les messages. Christiane Lambert estime cependant que sur l’ensemble de ces questions, le Premier ministre s’est «montré sensible».