La tension atteint son paroxysme dans les campagnes…
En raison de prix toujours aussi bas, les producteurs ont repris le chemin de la contestation. Le volet complémentaire au plan de soutien de l’élevage n’a pas suffi à calmer l’exaspération qui s’étend partout en France. Depuis quelque temps, le dialogue entre la profession — et tout particulièrement la FNSEA — et le ministre de l’agriculture s’est notoirement tendu.
La tension est montée d’un cran entre la FNSEA et le ministre de l’agriculture. La faute à la crise qui perdure, s’intensifie pour les éleveurs et s’étend à d’autres agriculteurs, comme aux céréaliers dans les zones intermédiaires ou les producteurs de fruits et légumes, victimes d’un hiver trop doux. Alors, des réunions avec les pouvoirs publics il y en eut «mais elles débouchent sur des espoirs vite déçus pour les agriculteurs, regrette Xavier Beulin, le président de la FNSEA. Depuis trop longtemps nous avons participé à ces tables rondes et on a été loyaux». Maintenant «on ne veut plus de ces grands-messes».
Dès le 26 janvier, pourtant, le ministre de l’agriculture avait annoncé une nouvelle série de mesures pour compléter celles annoncées par Manuel Valls le 3 septembre. «Dont acte» répond en substance la FNSEA qui annonce des chiffres plus modestes que le milliard souvent évoqué (290 millions d’euros aujourd’hui s’ajoutant à 700 millions en septembre 2015). Selon les syndicalistes, la vraie enveloppe mise en œuvre dépassant les mesures d’une année normale serait de 400 millions d’euros (dont 63 venants de l’UE) sur lesquels 187 millions ont été perçus par les agriculteurs.
Les promesses de Valls n’ont pas été tenues
La FNSEA n’est d’ailleurs pas avare de reproches quand il s’agit de faire le bilan de l’action du gouvernement. Y compris désormais, à l’encontre du Premier Ministre. Le syndicat estime que le «deal» proposé par Manuel Valls en septembre dernier n’a pas été complètement respecté. Il s’était engagé à ce que les conséquences d’une nouvelle réglementation soient mesurées avant de l’imposer (au travers d’expérimentations ou d’études d’impact), et à ce qu’il n’y ait pas «surtransposition» par rapport aux autres pays européens.
Mauvaise note sur le plan Ecophyto 2, estime Xavier Beulin. La proposition du ministère de l’agriculture a braqué les producteurs de grains, qui s’estiment «en résistance» contre elle. Mauvaise note également pour le compte pénibilité, dossier sur lequel la profession estime avoir été écoutée, mais pas du tout entendue au vu des décrets d’application parus. Xavier Beulin a d’ailleurs envoyé un courrier à la ministre du travail, pour lui signaler que son syndicat appelait ses adhérents à ne pas appliquer cette nouvelle réglementation.
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D’autres dossiers s’empilent: tarifs de rachat de l’électricité issue de la méthanisation, complémentaire santé des travailleurs occasionnels perçue sur 3 mois dès le premier jour de travail. Le plan d’urgence de l’emploi de François Hollande, non plus, ne convient pas complètement à la FNSEA. Celle-ci souhaiterait que la conversion du CICE en une baisse des charges d’ici deux ans s’applique dès maintenant dans le secteur agricole. Elle demande encore que les exploitants unipersonnels puissent bénéficier eux aussi de cette baisse des charges.
Les relations avec Stéphane Le Foll, avec lequel le torchon brûlait déjà, ne s’améliorent pas. Pour preuve, les échanges tendus lors du congrès d’Orama. En élevage, c’est la question de l’étiquetage qui a récemment envenimé les relations avec la rue de Varennes. Dans la matinale de RMC, le 28 janvier, Stéphane Le Foll déclarait: «Je vais prendre un décret et envoyer une notification à l’Europe. Et je vais emmener les professionnels à Bruxelles qui pensent qu’il suffit de le demander pour l’obtenir». «Enfin, merde!», s’insurge le président de la FNSEA quelques heures plus tard, lors d’une conférence de presse: «Si (le ministre) annonce déjà à la Commission qu’il n’y croit pas, on est sûr d’être ramassés».
Besoin de mesures structurelles
Et Stéphane Le Foll de répondre dans la soirée, lors de sa cérémonie des vœux: «Je suis prêt à mener la bataille à l’échelle européenne, mais je veux en montrer les limites. Ça ne va pas se faire en six mois». Sur le fond, la position du ministre est la suivante: même si le Parlement européen a émis début décembre, dans une résolution, le vœu que la Commission européenne fasse des propositions en la matière, cette dernière est restée muette. La faute à des oppositions de vue avec l’Allemagne, qui négligerait le lieu de naissance dans la mention d’origine, explique-t-il.
Au-delà de ces accrochages, la FNSEA estime que le gouvernement n’a pas de stratégie. «Elle est où la stratégie pour l’agriculture depuis dix ans?». En substance, le syndicat reproche au ministère d’imposer à l’agriculture française des normes plus contraignantes que celles respectées dans les pays voisins, mais de ne pas aider les agriculteurs à défendre de meilleurs prix. «Si on veut un cahier des charges français, ça a un prix», argue le président de la FNSEA qui demande au ministre des mesures structurelles fortes et de monter davantage au créneau à Bruxelles. Il faut, selon le syndicaliste, «un vrai deal qui valorise le made in France».
Sur le terrain, les manifestations se succèdent. «Cinquante et un départements ont été ou vont être en action» annonçait Dominique Barrault, secrétaire général de la FNSEA. Le mot d’ordre ne vient pas de Paris, ce sont des mouvements spontanés du terrain, assurait-il. Lui aussi se faisait très critique à l’égard de Stéphane Le Foll, qualifié de «capitaine des pompiers» plutôt que de ministre de l’agriculture faisant adopter des mesures structurelles.