L’agriculture française ne serait-elle plus l’ombre que d’elle-même ?
Le constat est connu mais reste toujours amer : l’agriculture française perd du terrain sur la scène européenne et internationale. «Elle est devenue moins productive, moins accessible et moins compétitive», regrettent les trois sénateurs corédacteurs du rapport sur la compétitivité de la Ferme France, publié fin septembre. Les trois élus pointent du doigt l’échec de «la stratégie de la montée en gamme» qui a déconnecté l’agriculture hexagonale des attentes des consommateurs français.
Le constat est connu mais reste toujours amer : l’agriculture française perd du terrain sur la scène européenne et internationale. «Elle est devenue moins productive, moins accessible et moins compétitive», regrettent les trois sénateurs corédacteurs du rapport sur la compétitivité de la Ferme France, publié fin septembre. Les trois élus pointent du doigt l’échec de «la stratégie de la montée en gamme» qui a déconnecté l’agriculture hexagonale des attentes des consommateurs français.
Dans leur rapport, les trois sénateurs Laurent Duplomb (LR, Haute-Loire), Pierre Louault (UC) et Serge Mérillou (PS) pointent la cinquième place de notre pays comme exportateur mondial agricole, ce qui reste honorable. «Mais elle était encore deuxième il y a vingt ans», expliquent les parlementaires. D’ailleurs, l’excédent de la balance commerciale n’est positif qu’à la faveur des vins et spiritueux, l’effet prix jouant plus que l’effet volume, qui compensent largement les nombreuses importations.
Les vins, cache-misère de la balance commerciale
Le plus inquiétant, c’est que la France n’est plus compétitive en Europe. Elle voit, depuis une vingtaine d’années son solde commercial avec les autres pays de l’Union se réduire à peau de chagrin : il est ainsi passé de 6,9 milliards d’euros (Md€) en 2000 à 0,3 Md€ en 2017. «Hors vins, la France grenier de l’Europe (…) est même déficitaire avec le monde entier».
Déjà en 2019, un rapport du gouvernement soulignait que «la contribution de l’agriculture à la valeur ajoutée de l’économie française est de plus en plus modeste, elle est passée de plus de 18% au début des années cinquante à 1,8% en 2019, et cette part atteint presque 4% si on y ajoute les industries agroalimentaires».
Un décrochage que Laurent Duplomb avait pointé dans un rapport en mai 2019. Il y constatait la «stagnation de la production agricole française, la réduction du nombre d’actifs agricoles et des surfaces agricoles utiles». Il pointait déjà «la perte de parts de marché à l’export et l’augmentation des importations».
Déconnectée des attentes des consommateurs
Les sénateurs s’interrogent surtout sur la stratégie de «la montée en gamme» défendue par les gouvernements successifs ces dernières années. «Elle ne répond plus à la demande des consommateurs», écrivent les sénateurs qui citent, notamment l’exemple du poulet et de la tomate. En 20 ans, la part de poulet importé consommé par les ménages français a augmenté de 20 à 50%. Pendant cette même période, la consommation en poulets entiers français et labellisés a chuté de 28 points.
Quant à la filière tomate, elle a «voulu échapper à la concurrence marocaine en se spécialisant dans la production de tomates cerise, abandonnant ainsi le marché cœur de gamme aux tomates importées (qui ont aujourd’hui 30% de parts de marché). Sauf que les importations de tomates cerise marocaines sont passées de 300 tonnes en 1995 à 70.000 tonnes», souligne le rapport. Le constat est tout aussi dramatique pour la pomme.
Souveraineté alimentaire en péril
Révélant une «déconnexion totale de l’agriculture française avec les attentes du consommateur français», les sénateurs craignent aussi une «crise majeure en matière de souveraineté alimentaire» et appellent à un «choc de compétitivité pour remonter la pente» . Pour eux, rien n’est encore perdu pour peu que les gouvernements soient ambitieux et «s’en donnent les moyens à travers un vaste plan Compétitivité 2028».
Pour ce faire, les sénateurs proposent la nomination d’un Haut-commissaire pour assurer le pilotage et le suivi de ce plan. Ils demandent aussi l’arrêt des surtranspositions «en conférant une valeur législative au principe de non surtransposition» et la garantie d’une bonne application du principe «pas d’interdiction sans alternative et sans accompagnement».
Pérenniser le dispositif Travail occasionnel, demande d’emploi (TODE), renforcer l’attractivité des métiers agricoles, ou encore «appliquer pleinement et à la lettre la loi sur l’assurance récolte» et «amender la stratégie européenne Farm to Fork» constituent d’autres pistes permettant, selon les parlementaires, d’améliorer la compétitivité de la Ferme France. Le tout en faisant de la France «un champion de l’innovation dans le domaine environnemental».
Christophe Soulard