Le constat «accablant» de la FAO sur le mauvais état des sols
Érosion, perte de nutriments et carbone organique, imperméabilisation due aux activités humaines (croissance démographique, industrialisation) gagnent du terrain et menacent fortement les sols. Pour autant, selon l’Organisation mondiale pour l’alimentation et l’agriculture, et contrairement au climat, il est encore temps d’agir et rien ne paraît irréversible.
On a beaucoup parlé changement climatique ces dernières semaines avec son corollaire : comment limiter la hausse des températures en dessous de 2°C. C’est dans ce cadre que la FAO (Organisation mondiale pour l’alimentation et l’agriculture) a publié le 4 décembre un rapport sur l’état des sols dans le monde. La documentation qui accompagne ce pavé de 650 pages est claire : les sols sont en danger ! Mais la FAO tempère en même temps ce terrible constat en précisant que leur dégradation n’est pas irréversible.
«L’érosion emporte de 25 à 40 milliards de tonnes de couche superficielle chaque année, réduisant considérablement les rendements agricoles et la capacité du sol d’emmagasiner et de recycler le carbone, les nutriments et l’eau. Les pertes de production céréalière dues à l’érosion ont été estimées à 7,6 millions de tonnes par an. Si rien n’est fait pour atténuer l’érosion, on pourrait arriver à une réduction totale de plus de 253 millions de tonnes de céréales d’ici 2050. Cette perte de rendement équivaudrait à retirer de la production agricole 1,5 million de km2 de terres ; soit l’équivalent de toutes les terres arables de l’Inde».
«Une salinité accablante»
Par ailleurs, le manque de nutriments dans le sol est le premier obstacle à l’amélioration de la production vivrière et des fonctions du sol dans maints paysages dégradés. «En Afrique, tous les pays — sauf trois — extraient plus de nutriments du sol chaque année que n’en sont restitués par les engrais, les résidus de récolte, le fumier et autres matières organiques. L’accumulation du sel dans le sol fait baisser les rendements et peut anéantir la production agricole. La salinité provoquée par l’homme frapperait 760.000 km2 de terres dans le monde ; une superficie plus vaste que l’ensemble des terres arables du Brésil. L’acidité du sol est un grave problème pour la production vivrière à l’échelle mondiale. Les sols les plus acides se situent en Amérique du Sud, dans des zones de déforestation et d’agriculture intensive».
Ceci aboutit à la conclusion «accablante» que «la majorité des ressources en sols du monde sont dans un état passable, mauvais ou très mauvais, et que leurs conditions empirent bien plus souvent qu’elles ne s’améliorent. En particulier, 33% des terres sont modérément ou fortement dégradées à cause de l’érosion, de la salinisation, du compactage, de l’acidification et de la pollution chimique des sols». Si l’on continue sur cette pente, on aboutirait à une aggravation de la destruction des productions vivrières donc à une atteinte supplémentaire à la sécurité alimentaire et à l’accroissement de la volatilité des prix. Évidemment, ceci plongerait des populations entières dans la faim et la pauvreté.
Engager une gestion durable
Outre le développement démographique (qui va se poursuivre) et l’urbanisation (porteuse de contamination en sels, acidité et métaux lourds), le rapport pointe une dizaine de menaces précises portant ou pouvant porter atteinte aux sols. Cela va bien sûr de la hausse des températures et des phénomènes météorologiques extrêmes qui l’accompagnent (sécheresse, inondation…) à l’engorgement, le tassement, la salinisation ou encore la perte de biodiversité.
Pour Graziano da Silva, le patron de la FAO, un axe de travail se dégage pour atténuer ce mouvement dans un premier temps et renverser la situation ensuite : la gestion durable des sols. Un exemple, selon la FAO ? Concernant l’érosion des sols, on pourrait réduire les labours et utiliser les résidus de récolte pour protéger les surfaces des effets de la pluie et du vent. Ces mêmes résidus pourraient être mieux utilisés pour apporter des nutriments aux sols cultivés et la pratique de la rotation des cultures devrait être développée. Une meilleure gouvernance des sols et des investissements rationnels font également partie des grandes idées avancées cette fois par Ban Ki-moon, secrétaire général de l’ONU.
Thierry Michel