Le livre-plaidoyer de X. Beulin interpelle politiques et consommateurs
Président de la FNSEA depuis 2010, Xavier Beulin a publié le 3 janvier «Notre agriculture est en danger. Ce qu’il faut faire», un ouvrage dans lequel il détaille les solutions qu’il propose pour donner des perspectives à une agriculture française, trop souvent délaissée par les politiques et de plus en plus méconnue des citoyens. Son pari: s’adresser aux citadins, aux agriculteurs et surtout aux politiques, en cette veille d’élection présidentielle.
S’ils veulent savoir ce que le courant majoritaire FNSEA des agriculteurs demande au prochain pouvoir politique, les candidats à l’élection présidentielle auront intérêt à lire le livre de Xavier Beulin, Notre agriculture est en danger. Plus qu’un cri d’alarme que semble indiquer son titre, cet ouvrage est surtout un vif plaidoyer pour libérer l’agriculture française de tous ses carcans et lui offrir la possibilité de contribuer davantage à la croissance française.
Le président de la FNSEA a une nostalgie: celle d’une époque où l’agriculture suscitait des politiques ayant le souffle des grandes constructions, «une époque volontariste», celle où il était encore possible de constituer des ensembles ambitieux, comme le fit son prédécesseur Jean-Claude Sabin, avec Philippe Tillous-Borde, pour bâtir Sofiprotéol, devenu le groupe Avril. En passant, Xavier Beulin justifie longuement et sans complexe, l’intérêt pour le syndicalisme d’avoir un président qui coiffe également une telle structure industrielle et financière.
«La France n’est plus à l’origine d’un projet ou du moins d’une pensée agricole»
Pourtant, il a moins la nostalgie de Jacques Chirac que bon nombre de ses confrères: «Depuis la présidence de Jacques Chirac, j’ai le sentiment que nous avons décroché, écrit-il. Ses succès d’un soir de marathon bruxellois nous ont privés d’une politique à long terme». C’est bien une politique de long terme que réclame Xavier Beulin, plutôt que d’aides ponctuelles, même si elles sont parfois nécessaires en période de crise. «Qu’on nous laisse produire», affirme abruptement un des chapitres. Il est conscient que le modèle classique s’est épuisé et qu’il faut trouver autre chose.
Côté Europe, il faut «un cadre, des principes, une volonté, de la simplicité». Le virage stratégique de la PAC en 2013 ne convient pas, en tout cas, et il faut reprendre le dossier européen à la base, avec une politique vigoureuse basée sur l’assurance ou sur le système américain des aides contracycliques. Malheureusement, pour bon nombre de pays européens, constate-t-il, l’agriculture fait désormais plus souvent figure de problème social que de secteur d’avenir. Et la France «n’est plus à l’origine d’un projet ou du moins d’une pensée agricole». Ce serait plutôt l’Allemagne, pays capable de créer 8.000 méthaniseurs pour apporter un complément de revenu agricole tandis que la France se traîne autour de 132. En fait de politique agricole, l’agroécologie de Stéphane Le Foll est un concept jugé intéressant, d’ailleurs déjà appliqué par les agriculteurs, mais «qu’y a-t-il réellement derrière ce mot?», interroge Xavier Beulin.
Une troisième voie
Le président de la FNSEA plaide alors pour «une troisième voie», entre les écologistes contestataires de l’agriculture et le productivisme sans contrôle. Il veut aller au-delà de l’agriculture raisonnée, évoquant plusieurs pratiques, comme «le retour de l’élevage dans les zones de grandes cultures». De telles pratiques se développent et peuvent conduire à un consensus entre écologistes et agriculteurs. Mais «nul besoin de les encadrer, de les contraindre, de les brimer par une multitude de normes qui s’empilent jusqu’à l’absurde». Une telle orientation peut conforter des motifs d’espoir suscités par la diversification des débouchés (bioproduits, bioénergies), l’amélioration des technologies (numérique, biotechnologies), l’adaptation aux marchés en croissance, notamment à l’international, à condition que l’agriculture s’organise de façon plus efficace.
Ces perspectives passent par un véritable statut encadrant l’exploitant agricole mais aussi par des relations différentes, en France, avec les distributeurs. Pour mieux partager la valeur ajoutée, le président de la FNSEA juge impératif de renverser le processus de négociations commerciales. Partir des coûts de production pour aboutir à un prix de vente au consommateur, plutôt que d’écraser les prix finaux en laminant, en amont, le revenu agricole. L’État doit changer le cadre de négociations afin d’aboutir à une politique de l’offre et non une politique de la demande, «qui a conduit au chômage que l’on connaît et à l’appauvrissement de toute la production française et pas seulement agricole». S’il y avait un seul enseignement général que les candidats à la prochaine élection présidentielle devaient retenir, ce serait celui-là, semble dire Xavier Beulin.
Notre agriculture est en danger, par Xavier Beulin, en collaboration avec Yannick Le Bourdonnec. Ed. Tallandier, 224 pages, 17,90€