Le regarnissage des prairies fatiguées et en baisse de productivité
La réussite d’un sursemis sur des prairies prématurément éprouvées par les conditions climatiques passe, au préalable, par un diagnostic et, ensuite, par l’observation de quelques règles.
La réussite d’un sursemis sur des prairies prématurément éprouvées par les conditions climatiques passe, au préalable, par un diagnostic et, ensuite, par l’observation de quelques règles.
Les coups de chaleur de cet été et le contexte séchant prolongé (et toujours en cours) sont éprouvants pour la végétation, d’autant plus s’ils s’associent à une utilisation habituellement intensive des prairies. Le retour de quelques pluies a pu mettre en lumière leur vieillissement prématuré, ou pour le moins, une baisse de productivité. Il peut alors être opportun d’envisager de les regarnir…
Il reste quelques jours pour ce faire. Ce regarnissage est un sursemis, c’est-à-dire l’introduction de bonnes espèces fourragères sans destruction préalable, chimique ou mécanique, du couvert en place. Plus aléatoire dans sa réussite qu’une réfection totale avec élimination du couvert, le respect de quelques règles permet toutefois d’en maximiser les facteurs de réussite.
1 Favoriser le contact sol/graine
Il importe, comme pour toute implantation, de favoriser le contact sol/graine, garant de la bonne germination de la semence.
Aussi, le sursemis est-il à effectuer sur une végétation résiduelle rase (hauteur résiduelle inférieure à 3 cm), avec un minimum d’espaces nus dans le couvert : l’équivalent d’une assiette de vide par mètre carré de sol est un bon repère.
Si ces vides n’existent pas, il faut les créer, et c’est là où les outils de semis direct sont utiles. La réussite du sursemis d’espèces prairiales est cependant plus corrélée non pas au choix de l’outil (semis à la volée ou en lignes) mais à comment il est effectué.
Un étrillage préalable peut être utile pour gratter le sol et ouvrir un peu la végétation, permettant d’enlever un peu de mousse éventuelle et de déchausser les espèces les plus superficielles ou/et traçantes (menthe, agrostis…). Le rappui immédiat, par passage de rouleau ou/et piétinement par du bétail, est ensuite indispensable.
2 Choisir des espèces agressives à l’implantation
Les espèces introduites doivent pouvoir lever vite, pour faire face à la concurrence du couvert en place. Cette qualité essentielle à la réussite du sursemis limite le choix des espèces prairiales «introductibles» aux ray-grass, trèfles (blanc et violet), voire à la chicorée. Cette dernière espèce ne convient cependant qu’à des prairies destinées exclusivement à la pâture.
Dactyle et fétuque élevée n’ont pas cette rapidité de levée ; vouloir les introduire en regarnissage implique qu’elles soient associées à ces précédentes espèces. Les doses de semis de ces espèces sont similaires à celles recommandées pour un semis classique ; elles sont même à augmenter un peu (20 à 30% de plus) en cas de semis à la volée.
Pourquoi aussi ne pas essayer un ajout de céréale(s) voire d’un méteil dans son sursemis ? Dans ce contexte de déficit fourrager et au vu de la période, il peut être intéressant, quitte à effectuer un regarnissage, de semer aussi des espèces — non prairiales — certes annuelles, mais potentiellement productives et appétentes en vert, permettant une pâture de sortie d’hiver ou la réalisation ultérieure de stocks (humides).
Introduire ces espèces, à graines plus grosses que celles des espèces prairiales classiques, nécessite, selon les retours d’expériences et d’essais par ailleurs, d’utiliser un semoir faisant de la place et de la terre fine. Mais ce semis de céréales sera d’autant plus pertinent dans des prairies à faible densité de couverture (inclus les luzernières, d’autant plus que les périodes de végétation étant décalées, il n’y aura pas de concurrence…). Pour des prairies moins dégradées, à couvert plus fermé, une préparation préalable d’ouverture sera indispensable, comme pour le sursemis d’espèces prairiales seules.
Les espèces implantables sont là aussi à choisir agressives : le seigle fourrager, les avoines, les vesces sont ainsi à privilégier, qu’elles soient sursemées seules, combinées entre elles ou associées à des RG ou/et des trèfles. Un semis suffisamment dense est à privilégier (min. 60% de la dose recommandée en plein).
Une fertilisation azotée en fin d’hiver, après une éventuelle pâture, sera bienvenue pour booster ces espèces et assurer du stock.
3 Favoriser les jeunes plantules nouvellement introduites
L’accès à la lumière des jeunes plantules est à favoriser : le maintien d’un couvert court, pendant les quelques mois suivant le sursemis, est à rechercher. Il ne faut donc pas hésiter à faire pâturer à intervalles rapprochés.
Par la suite, il faut éviter d’activer la pousse du couvert en place : toute fertilisation azotée avec de l’azote rapidement assimilable est ainsi à proscrire (sauf dans le cas d’un sursemis de céréale, qui va de façon privilégiée profiter de cet apport : cf. ci-dessus), pendant 6 à 8 mois (soit une, voire mieux 2 repousses) après le sursemis.
4 Diagnostic préalable
La bonne réussite du sursemis passe par l’observation de ces quelques règles. Un diagnostic préalable de la végétation est cependant indispensable, afin d’intervenir à bon escient.
Dans le cas d’une prairie majoritairement (à plus de 30%) composée d’agrostis stolonifère, le sursemis est voué à l’échec, cette espèce étant réputée empêcher la germination de nouvelles graines. La seule option alors passe par la destruction totale du couvert (voire avec une transition culturale) avant ré-implantation d’une prairie. Comme pour tout semis, le sol doit être suffisamment frais pour permettre la germination des graines introduites.
Il est encore temps d’envisager cet éventuel regarnissage ; introduire des céréales devient cependant d’autant plus pertinent que la saison est maintenant avancée.
Marie-Claude Mareaux, Chambre d’agriculture des Pyrénées-Atlantiques