Les éleveurs accentuent leur pression sur les industriels et les distributeurs
Depuis le Sommet de l'Elevage de Clermont-Ferrand, le 6 octobre, les éleveurs de bovin-viande ont envoyé un message clair aux industriels de la filière : les producteurs vont durcir leurs actions de protestation envers eux afin d'obtenir une hausse des prix à la production.
Au Sommet de l'élevage, les éleveurs ont raillé l'attitude du ministre Bruno Le Maire qui a préféré un voyage en Inde plutôt qu'un déplacement à Clermont-Ferrand. © Actuagri
Le 13 octobre à 16 heures, les producteurs de viande de la Fédération nationale bovine (FNB) rencontreront, au ministère de l'Agriculture, les autres acteurs de la filière pour une ultime tentative en vue d'obtenir une hausse des prix payés aux producteurs. Mais ils ont d'ores et déjà passé la vitesse supérieure dans leurs actions de protestation contre les industriels de la viande lors du Sommet de l'Elevage de Clermont-Ferrand, le 6 octobre. Le président de la FNB, Pierre Chevalier, a appelé devant de nombreux producteurs rassemblés à l'entrée de la Grande Halle d'Auvergne à faire le relevé des entreprises qui refusent les hausses de cotations afin d'« aller chez elles, les pourchasser, vider les frigos et bloquer les abattoirs avec nos camions ». Les éleveurs connaissent de graves difficultés économiques depuis plus de deux ans, et cela est vrai dans la viande bovine comme dans le porc. Les producteurs des deux filières ont d'ailleurs engagé depuis plusieurs jours des actions de stickage sur les produits d'entreprises qui ne les rémunèrent pas suffisamment selon eux, dans les rayons des grandes et moyennes surfaces.Importations
Déçus pour beaucoup par l'absence de Bruno Le Maire (voir encadré), parti officiellement plaider les positions françaises en Inde sur la régulation mondiale des marchés agricoles, les producteurs de viande bovine ont décidé d'accentuer fortement leur pression sur les transformateurs, accusés également d'importer de la viande bovine de pays tiers comme l'Argentine ainsi que d'Etats membres de l'Union. Des pratiques qui les confrontent à des distorsions de concurrence, en particulier sur le coût du travail vis-à -vis de l'Allemagne ou les normes environnementales et sanitaires face à l'Amérique du Sud. « Si l'Union européenne continue comme ça, elle va perdre son indépendance alimentaire et son modèle sanitaire », alerte Pierre Chevalier. Il réclame aussi une harmonisation européenne d'autres politiques, sociale ou sur les phytosanitaires par exemple. La France est déjà déficitaire en viande bovine et importe une part de sa consommation nationale. Les éleveurs français sont aussi très inquiets des négociations en cours entre l'Union européenne et le Mercosur (pays d'Amérique du Sud) au sujet de la viande bovine et de la volaille, discussions qui pourraient aboutir à une hausse des importations européennes sur ces produits. De plus, la FNSEA et la FNB demandent des marchés régulés et des crises gérées par la PAC d'après 2013.Origine France
En renfort, le président de la FNSEA a déclaré à Clermont-Ferrand que l'élevage connaissait « une situation catastrophique » parce que « les prix pays aux producteurs sont en totale opposition avec une situation de rentabilité dans le contexte actuel de hausse des coûts de production ». Jean-Michel Lemétayer a rappelé la hausse du coût de l'aliment par exemple, liée à la forte appréciation des cours des matières premières végétales cet été. Selon lui, ces charges « anéantissent en grande partie les soutiens PAC qui ont été réalloués des grandes cultures vers l'élevage » à l'issue du bilan de santé de la PAC, car « les prix ne sont pas au rendez-vous ». Enfin, le président de la FNSEA insiste sur la nécessité de faire entendre l'origine française des produits vendus en rayon, au travers notamment des étiquetages « Viande Bovine Française » (VBF) et « Viande Porcine Française » (VPF). « Le vrai enjeu », a-t-il conclu, « c'est la transparence des pratiques commerciales » ; « nous avons voulu l'Observatoire des prix et des marges, nous attendons qu'il soit efficace ».
Pour la FNSEA et la FNB, il n'y a donc « pas d'autre solution » qu'une hausse du prix payé aux producteurs pour améliorer leur revenu. Dans le cas contraire, elles prédisent « une catastrophe sociale ». Ces dernières refusent également de continuer à être la variable d'ajustement du pouvoir d'achat des consommateurs. « Il n'est pas possible de parler de revenus rémunérateurs pour les producteurs sans conséquence sur le prix au consommateur », martèlent-elles, attendant que les distributeurs passent aussi les hausses de prix de leurs fournisseurs.
Les éleveurs du Grand Massif central très amers envers Bruno Le MaireDans un communiqué conjoint publié le 6 octobre, les éleveurs de races à viande du Grand Massif Central et la FRSEA Massif Central estiment que le ministre de l'Agriculture, Bruno Le Maire, « tourne le dos à l'élevage », n'ayant consenti selon eux « aucune avancée sérieuse concernant leurs revendications » depuis plusieurs mois. Très amers vis-à -vis de l'absence du ministre au Sommet de l'Elevage, ce dernier ayant été très chahuté et interdit de visite l'an dernier, les éleveurs du Grand Massif Central jugent qu'ils « ne peuvent pas continuer à vivre de prêts court terme en prêts court terme ou à l'aide d'autres pansements inefficaces », dans une allusion aux annonces de soutiens aux filières d'élevage faites par le ministre au SPACE de Rennes. Ils réclament une augmentation des prix à la production, la transparence des marges, une dynamisation de la politique d'export vers les pays tiers et une « réponse adéquate » à leur crise de revenu.