Les signes de qualité et d’origine confrontés aux inconnus budgétaires de la future PAC
Outils au service d’une agriculture rémunératrice, à la fois moderne et durable, pouvant apporter des réponses aux enjeux économiques et sociétaux, les signes d’identification de la qualité et de l’origine (SIQO) auront malgré tout des défis à relever dans la nouvelle PAC, a expliqué Javier Valle, conseiller principal en politiques au COPA-Cogeca, le 16 mai dernier à Bordeaux, lors de la 20e édition des Assises de l’origine, qui se tenait dans le cadre du salon régional de l’agriculture.
À l’heure où les débats sur la future PAC font craindre une baisse du budget alloué à l’agriculture européenne, les signes d’identification de la qualité et de l’origine (SIQO) font valoir leurs atouts. «Le chapitre sur l’alimentation est une première dans la communication sur la PAC puisqu’il y est question de liens entre agriculture, territoires et alimentation», constate Javier Valle. Dans ce contexte, «les IG ont donc un rôle très important à jouer sans compter le volet consommateur sur la nutrition et la qualité, ou encore, le volet agriculture durable, production de proximité et mise en avant des traditions et des savoir-faire…».
À la question de savoir comment favoriser ces produits de qualité, plusieurs points ont été évoqués. Il faudrait, par exemple, améliorer la reconnaissance des logos de ces produits et renforcer la mise en valeur de l’information liée à l’origine et aux méthodes de leur production. Autre point énoncé pour favoriser les IG dans la future PAC, la demande de procédures administratives facilitées pour obtenir une identification géographique. Ceci permettrait en effet aux producteurs les moins familiarisés d’avoir accès à ces productions de qualité.
Faciliter la reconnaissance
Pour ce qui est des nouveaux outils que la future PAC envisage de construire, les intervenants ont fait un état des lieux de l’existant qui «marche» et de ce qui devrait être amélioré. Ainsi, pour la filière viticole, Bernard Farges, président de la Confédération nationale des appellations d’origine contrôlée (Cnaoc), a rappelé qu’elle est la dernière filière à avoir un outil de gestion du potentiel de production et qu’elle a eu raison de se battre pour ses outils de régulation. «La filière viticole, a-t-il ajouté, entend aussi conserver les outils collectifs de promotion et d’aide aux investissements, d’autant que d’autres filières s’intéressent à ce type de soutien.» Mais il a aussi précisé qu’il allait falloir mettre sur pied des outils pour faire face aux défis climatiques.
Pour sa part, François Lafitte, président de la Gefel (Gouvernance économique des fruits et légumes), a souligné l’importance des SIQO pour sa filière. Ici l’enjeu est de taille, puisqu’il s’agit de «sortir de la massification pour aller vers des signes de qualité grâce à la segmentation.» Tout en reconnaissant qu’une politique se construit aujourd’hui dans ce sens, ce qui permet de rassurer le consommateur sur l’origine des produits, François Lafitte a tout de même regretté que les producteurs de ces filières n’aient «pas, comme en viticulture, investi collectivement dans les signes de qualité.»
Quant à savoir comment il voyait l’évolution des organisations de marché dans les années à venir, Claude Vermot-Desroches, président du Comité interprofessionnel de gestion du Comté AOP (CIGC), président d’OriGIn France et OriGIn monde, a rappelé l’exemple de la filière Comté qui a choisi depuis longtemps de maîtriser ses volumes mis sur le marché. Pour lui, le choix inverse, qui consisterait à laisser filer les volumes en pensant défendre le consommateur pour écraser les prix, serait une erreur. «Car c’est avec ce type de choix, explique-t-il, que l’on anéantit la qualité». Il plaide en faveur de la création d’observatoires des prix pour au final mieux cerner comment se répartit la valeur ajoutée.
Vecteurs de création de richesse
Dominique Fayel, vice-président d’Euromontana, note que «dans les territoires difficiles, les SIQO sont les vecteurs de création de richesse, si bien que les attentes vis-à-vis de la PAC sont immenses avec la nécessité d’avoir deux approches, celle des filières et celle des territoires.»
Un point de vue partagé par Simona Caselli, ministre de l’agriculture d’Emilie-Romagne, membre de l’Association des régions européennes des produits d’origine. Elle confirme en effet que «ces produits de la montagne ont un impact positif sur la situation sociale et économique des vallées. Mais qu’il faut aussi assurer des niveaux d’investissements destinés à la promotion et à l’innovation.»
Revenant sur la question cruciale du budget de la future PAC, Jean-Paul Denanot, eurodéputé, membre de la commission de l’agriculture et du développement rural, a notamment noté l’importance de voir ce budget européen progresser, tout en ajoutant que les nouvelles contraintes financières (Brexit, sécurité, etc.) ne devaient en aucun cas affecter la nouvelle PAC. «Une baisse du budget serait catastrophique pour les agriculteurs européens, et en particulier français», a ainsi conclu l’eurodéputé.
M.-N. Charles