Opinel : une lame savoyarde bien couronnée
Derrière cette marque et ce produit connu de tous, il y a surtout une famille, et en particulier un homme : Joseph Opinel.
En 1890, à 18 ans seulement, Joseph Opinel passionné par les nouvelles machines et techniques, dessine et met au point dans l’atelier de taillanderie familiale à Albiez-le-vieux (Savoie), un petit couteau de poche qu’il destine aux paysans et villageois de la région : l’Opinel est ainsi né!
En 1897, il a l’idée de décliner son couteau en douze tailles différentes, numérotées du 1 au 12 pouvant ainsi convenir aux petites mains comme aux grandes et répondre à divers usages. Le plus petit couteau, le n°01, était doté d’un anneau pour l’accrocher à la chaîne de montre de gousset. Sa fabrication ainsi que celle du n°11 ont été arrêtées depuis. Le plus petit Opinel, le n°2 de ce fait, dispose ainsi d’une lame de 3,5 centimètres et le plus grand d’une lame de 12 centimètres (n°12). Fort du succès commercial de son invention, Joseph Opinel quitte l’atelier familial et construit son usine à quelques pas. Il souhaite, alors, rationaliser la production et met au point des machines pour fabriquer les manches plus rapidement.
Une triple couronne
Chaque lame Opinel est poinçonnée comme le veut la tradition coutelière. Joseph Opinel choisit, en 1909, la main couronnée comme emblème, garantissant ainsi l’authenticité du produit. La main bénissant est celle de Saint Jean Baptiste figurant sur les armoiries de Saint-Jean-de-Maurienne, ville la plus proche d’Albiez-le-Vieux. La couronne, quant à elle, rappelle le fait que la Savoie était un duché.
«Ce jeune savoyard a su à l’époque créer un produit d’une grande justesse puisque 100 ans après, il a été reconnu par les plus grands designers du monde. L’opinel est en effet consacré en 1985, au “Victoria and Albert Museum”, parmi les cent objets les mieux dessinés du monde, à côté de la Porsche 911 et de la montre Rolex», observe Gérard Vignello, directeur adjoint de l’entreprise Opinel, à l’occasion de la célébration à Paris, des 125 ans du couteau.
L’entreprise, toujours basée aux portes de Chambéry, compte dorénavant 100 employés, ouvriers, cadres dont 65 à la production. En 1915, Joseph Opinel réalise qu’il ne pourra développer son entreprise s’il reste à Albiez-le-Vieux et trouve alors une ancienne tannerie à Cognin, à proximité de la gare de Chambéry. Après quelques mois de travaux de rénovation et épaulé par ses deux fils, Marcel et Léon, il débute le développement industriel et commercial d’Opinel en 1917. Les trente glorieuses accélérant la demande et l’ancienne usine devenant trop étroite, la famille Opinel décide alors de construire un nouveau site de production plus spacieux au début des années soixante-dix, dans une zone industrielle chambérienne, site principal et siège de l’entreprise depuis 2003.
«Conjointement avec la famille Opinel, il a été décidé de continuer le développement du site industriel sur ce site de Chambéry. Ainsi, des travaux d’agrandissement et de modernisation ont commencé. Pour accompagner le développement de l’activité, 1.000 m2 de bâtiment industriel et 500 m2 de bâtiment administratif viennent s’ajouter aux 4.000 m2 existants. Fin des travaux prévus en novembre 2015», explique Gérard Vignello.
Ancrage savoyard et présence internationale
L’ancrage français et savoyard reste une référence pour la société présidée par Maurice Opinel, petit-fils du fondateur, et dirigée par son fils Denis Opinel. Encore 80% des produits sortent des chaînes de l’usine de Chambéry, tandis qu’une petite partie est produite au Portugal. «Si le couteau Opinel reste simple, sa fabrication fait appel à de multiples techniques dont l’industrialisation se révèle complexe. Cela va du travail du bois au travail de l’acier en passant aujourd’hui par le travail de nouveaux matériaux, comme des polymères synthétiques haut de gamme», poursuit Gérard Vignello.
Présent historiquement dans les pays limitrophes du fait de sa localisation, Opinel vend chaque année plus de quatre millions de couteaux dans 70 pays, sur les cinq continents. «La société a plus que doublé ses ventes dans les dix dernières années, pour atteindre 18,7 millions d’euros en 2014. Près de la moitié du chiffre d’affaires (45%), est réalisée à l’export. Cette progression est liée principalement aux nouveaux produits et à une meilleure structuration de la distribution à l’exportation. La moitié de la gamme a moins de dix ans», indique Luc Simon, directeur général adjoint ventes et marketing.
Cyrielle Delisle
Des couteaux, mais pas que… Depuis sa création, le couteau de poche n’a pas changé ou presque… Il a conservé sa silhouette et sa robustesse, ainsi que les quatre composants qui le forment : sa lame, sa virole fixe, son rivet et son manche. En 1909, apparaît la Main Couronnée sur la lame, en remplacement du nom de l’inventeur. En 1955, Marcel Opinel, le fils de Joseph, invente le système Virobloc® améliorant ainsi la sécurité d’utilisation du couteau. Il ajoute une virole tournante qui, en coulissant sur la virole fixe, peut fermer la fente et ainsi bloquer la lame dépliée. Dans les années quatre-vingt-dix, le système est modifié de manière à la bloquer, en position fermée. Autre changement : le manche à l’origine en merisier, est aujourd’hui fabriqué en hêtre, mais est également disponible en acier carbone ou en acier inoxydable (Sandvik 12C27 modifié). L’Opinel pliant traditionnel, symbolisé par son produit phare le n° 08, représente encore 65 à 70% des ventes, mais il n’est plus seul sur le marché puisque la marque concerne aussi aujourd’hui la cuisine et la table, le bricolage, le jardinage (sortie du premier sécateur Opinel à l’automne) ou le sport. |