Pac : un transfert budgétaire qui passe de Travert
Le précédent ministre ayant laissé un trou d’un milliard d’euros dans le budget des aides du second pilier de la PAC, son successeur, Stéphane Travert, a choisi de «piocher» dans les crédits du premier pilier pour combler le déficit. Le comportement de Stéphane Le Foll et la décision de l’actuel ministre ont suscité un tollé général des organisations professionnelles.
Stéphane Travert a annoncé le vendredi 27 juillet, «en lien avec le Premier ministre et les autres ministères concernés», un transfert «à hauteur de 4,2% des montants des crédits du premier pilier de la PAC vers le second pilier». Il s’agit de combler un déficit budgétaire estimé à au moins 853 millions d’euros, reconnu comme «une impasse financière» par le ministre lors de son audition par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, le 26 juillet.
La FNSEA crie au «hold-up inacceptable»
Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, évoque volontiers «un gros cadavre» laissé par le ministre précédent. Il manque de l’argent pour payer certaines aides du second pilier de la PAC que sont l’indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN), les aides bio et les mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) d’ici 2020. Pour les syndicats agricoles, le montant est d’au moins un milliard d’euros, avec 853 millions d’euros juste pour l’ICHN.
Difficile d’évaluer, aujourd’hui, ce qu’il manque au sujet des MAEC et des aides bio (fonds Feader), puisque les budgets et les conditions d’octroi de ces aides dépendent des Régions. Et chacune d’elles oriente son budget différemment en fonction de ses priorités de développement pour son agriculture.
De plus, comme le précise le ministère, il restera des enveloppes, non utilisées dans leur totalité, sur certaines aides annuelles du second pilier de la PAC qui pourront abonder les enveloppes d’autres aides, dont la bio et les MAEC (fongibilité des aides). Seulement, d’après les chambres d’agriculture, la fongibilité des aides aurait déjà été bien exploitée.
Déshabiller Pierre pour rhabiller Pau
En ce 26 juillet, une question s’est donc posée à propos de ce trou budgétaire auquel doit faire face le ministère de l’agriculture : où trouver l’argent ? Aussi, Stéphane Travert s’est lancé dans une série de négociations en bilatéral avec les organisations professionnelles agricoles et les syndicats, privilégiant cette stratégie à un Conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire (CSO) prévu le 27 juillet, finalement annulé.
Après une longue soirée de consultations le 26 juillet, Stéphane Travert a tranché le lendemain matin, actant un transfert plus important du premier vers le second pilier. Au-delà des 3,33% déjà entérinés, la France prélèvera 4,2% de plus. Ainsi, sur un budget du premier pilier d’environ 7,4 milliards, un prélèvement supplémentaire de 4,2% représente plus de 300 millions d’euros par an sur deux ans qui devraient être rapatriés sur le second pilier. Il devrait donc toujours manquer de l’argent par rapport aux estimations.
Ménager la chèvre et le chou
De son côté, le ministère avoue qu’il est impossible aujourd’hui de savoir si, avec cette hausse de 4,2%, l’ensemble des besoins sera couvert puisqu’il s’agit d’estimations à un instant T. L’État envisagerait par ailleurs la suppression de la part de cofinancement national et européen pour l’aide au maintien de l’agriculture biologique.
En revanche, Stéphane Travert a annoncé le 27 juillet le maintien du paiement redistributif à 10%, comme l’an passé. Et cela alors que l’objectif écrit dans la PAC 2014-2020 était de passer à 20% à l’horizon 2018. Là encore, la France devait notifier sa position à Bruxelles pour le 1er août.
En agissant de la sorte, le ministre veut ménager la chèvre et le chou. Avec l’augmentation de prélèvements du premier vers le second pilier, il privilégie les exploitations d’élevage et les exploitations bio au détriment des grosses structures. Et, avec le maintenant à 10% du paiement redistributif, il a fait le choix de ménager les grandes exploitations et de ne pas favoriser davantage les exploitations de moins de 100 ha.
La FNSEA dénonce «un hold-up inacceptable»La FNSEA dénonce, dans son communiqué du 27 juillet, «l’ardoise énorme» laissée par Stéphane Le Foll et le précédent gouvernement. «Contrairement aux engagements écrits en 2013 par François Hollande, ils ont sciemment fait l’impasse sur le financement, en 2019 et 2020, d’une grande partie des mesures de développement rural», souligne-t-elle. Le syndicat majoritaire considère que la gestion du second pilier de la PAC entre l’État, les Régions et l’Union européenne est devenue «une véritable boîte noire» sur laquelle «les agriculteurs exigent dorénavant la plus grande transparence».
Le «prélèvement de 4,2% sur les soutiens directs perçus par les agriculteurs» est «inacceptable quand de nombreux secteurs traversent une crise grave avec des prix de marché qui ne couvrent plus les coûts de production». C’est un «très mauvais signal à l’heure du lancement des États généraux de l’alimentation comme des autres chantiers ouverts. Le gouvernement a une impérieuse obligation de résultats concrets sur les prix payés aux producteurs, la simplification, la fiscalité, le retour à la compétitivité…», conclut la FNSEA.
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