Période de turbulences pour la filière du machinisme agricole
Pandémie, crise ukrainienne, hausse des matières premières, le secteur de l’agroéquipement doit affronter une situation inédite.
«2021 a été une année record pour le marché de l’agroéquipement», indique Axema, le syndicat français des acteurs industriels de la filière des agroéquipements et de l’agroenvironnement. L’évolution positive se poursuit au début 2022. Mais cette hausse est en trompe-l’œil. Si le marché des agroéquipements est en hausse de +13% au premier trimestre avec un chiffre d’affaires de 1,884 milliard d’euros (Md€), c’est parce qu’il est porté par l’effet valeur de l’augmentation des prix.
Dans le détail, tous les segments sont en hausse : la production, 1,506 Md€ (+6%) ; les importations, 1,490 Md€ (+13%) ; et les exportations, 1,112 Md€ (+3%). Les entreprises constatent de belles progressions en Pologne et au grand export, mais des baisses vers l’Allemagne et l’Italie. Il est à noter que la France a continué d’exporter en Russie et en Ukraine, mais pour des montants qui ont été réduits de moitié.
Cependant, les premiers signes d’inquiétudes ont commencé à se manifester dès le mois de mars avec un net ralentissement de la croissance (+0,1% par rapport à mars 2021). Ce ralentissement se perçoit au niveau de la production notamment : (+10 en janvier, +6 en février, +4 en mars).
La situation est plus contrastée en volume selon les familles de produits, à la différence de l’année dernière où toutes les familles étaient en croissance. Ainsi, le premier trimestre a été bon pour le matériel de récolte, les tracteurs et le secteur de la protection des cultures. Mais il a été mauvais pour les chargeurs télescopiques ou le matériel de fenaison. «Le marché est incontestablement moins porteur que l’année dernière, il a connu un vrai coup de frein en mars. Il y a dans l’air des signes d’un changement de climat des affaires», constate Axema qui redoute que des projets d’investissements soient abandonnés.
Annulation de commandes
Le syndicat cite, par exemple, le baromètre d’Entraid qui montre que les intentions d’investissements dans les CUMA et les exploitations agricoles sont au plus bas depuis 2016. Dans ce contexte déjà difficile, les entreprises doivent faire face à l’augmentation du prix des matières premières, notamment de l’acier, de l’inox et de l’aluminium dont les prix ont plus que doublé depuis 2019-2020. Si l’on ajoute l’évolution des salaires (+3,5%), les coûts de production se sont accrus de près de 20% en un an. «Tous les acteurs ne sont pas en mesure de répercuter de telles hausses à leurs clients», remarque Axema.
Les fabricants doivent, en outre, faire face à des difficultés d’approvisionnement plus fortes que jamais. Ainsi, la politique zéro Covid de la Chine a accentué les difficultés à obtenir les matières et les composants nécessaires à la production. Résultat : les délais de livraison s’allongent jusqu’à provoquer des annulations de commandes. «Tout cela annonce une fin d’année indécise et obscurcit les perspectives de 2023», conclut le syndicat.
Si le marché est attendu en croissance de +5 à +15% en 2022, «cette croissance s’expliquera uniquement par la hausse des prix, car nous anticipons au mieux une stabilité des volumes vendus sur l’ensemble de l’année».
Avec le Syndicat national des entreprises de services et distribution du machinisme agricole (Sedima), Axema vient de publier une lettre ouverte au gouvernement français. Les deux entités demandent à l’État d’apporter aux entreprises «tout le soutien nécessaire pour pouvoir faire face aux enjeux alimentaires majeurs encore renforcés par la crise en Ukraine».