Un avenir truffé d’incertitudes pour la filière laitière française
En France, la filière laitière a été relativement épargnée par les crises sanitaire et économique consécutives à la pandémie du Covid-19. Mais ses problèmes structurels toujours aussi prégnants laissent perplexe quant à son avenir, selon l’AFTAA, spécialiste des formations en alimentation et productions animale.
En France, le prix du lait n’a pas décroché quand l’épidémie de la crise du Covid est survenue. Ses mécanismes de fixation ont mis les producteurs à l’abri des réactions spéculatives des marchés mondiaux des produits laitiers. Cet automne, la collecte de lait croît de nouveau. Elle est supérieure de 2,3% par rapport à l’an passé à pareille époque.
Bond des achats pendant le confinement
Dans leur ensemble, les Français consomment autant de produits laitiers qu’avant la crise mais différemment. Pendant la première période de confinement, les achats des ménages ont augmenté de sept points. Depuis, les consommateurs achètent toujours plus de lait, de beurre, de crème et de produits basiques pour cuisiner qu’avant la période de confinement. On a même observé des ruptures dans l’évolution de la consommation. Ainsi, les ventes de briques de lait — structurellement en repli — sont en augmentation et celle de pâte filée est en baisse, notamment en raison de la fermeture des restaurants.
Selon le Centre national interprofessionnel de l’économie laitière, les demandes de produits laitiers par la restauration hors domicile et l’industrie agroalimentaire ont baissé de quatre points pendant la première période de confinement. Mais, comparé à d’autres pays européens, le faible poids de la FHD a atténué, en France, l’impact de la fermeture des restaurants.
Les problèmes structurels demeurent
Mais les problèmes structurels de la filière, éludés le temps de la crise sanitaire, demeurent. Le prix du lait payé aux éleveurs n’est pas suffisamment rémunérateur pour rendre la profession attractive auprès des jeunes. De plus, la volatilité des cours des matières premières, accentuée pendant la période de confinement, rend les projets d’installation et d’investissement vulnérables. D’autant plus qu’en cette période de crise économique, les consommateurs pourraient se rabattre sur des produits alimentaires bon marché aux dépens des produits laitiers à forte valeur ajoutée.
L’an prochain, les marchés mondiaux des produits laitiers devraient bénéficier du rebond de l’économie mondiale si l’épidémie est jugulée par des campagnes de vaccination efficaces. La planète ne croule pas sous des montagnes de beurre, de fromages et de poudres et là où ils ont augmenté, les stocks se résorbent. Et la consommation mondiale de produits laitiers s’est bien maintenue.
Brexit, consommation : le flou
Pourtant, l’avenir est truffé d’incertitudes. Une partie de l’économie mondiale, maintenue sous perfusion, pourrait s’effondrer. Faute de revenus, les pays producteurs de pétrole n’auraient alors plus les moyens d’importer autant de produits laitiers qu’avant la crise. Un tel scénario affecterait l’ensemble des pays exportateurs de produits laitiers. De même, l’essor mondial de la consommation de produits “laitiers” sans lactose, à base de protéines synthétiques ou de substituts végétaux fragilise l’ensemble de l’industrie laitière et par ricochet, la production mondiale de lait de vache.
Enfin, dans l’Union européenne, la filière laitière pourrait être impactée par l’absence d’accord commercial avec le Royaume Uni, importateur de produits laitiers européens et français notamment. L’imposition de nouvelles barrières douanières provoquerait le même scénario de crise qu’en 2014, lorsque la Russie avait instauré son embargo sur les produits laitiers européens. Le marché européen serait alors engorgé de produits, qui ne seraient plus exportés, Outre-Manche.