Une conjoncture laitière morose
Alors que les analystes s'attendaient à un rebond saisonnier des prix du lait de vache à l'amorce de l'été, la collecte mondiale semble s'accélérer et maintient ainsi une forte pression sur la tendance.
Il y a des exploitations qui ne pourront pas supporter de nouvelles baisses du prix du lait», s'alarme un éleveur du Poitou-Charentes. Avec un prix avoisinant les 275 €/tonne, les exploitations agricoles ont de plus en plus de mal à «sortir des salaires», et sont dans l'incapacité d'investir pour rénover leurs outils de production. Et pour cause, le prix payé aux producteurs subit depuis plusieurs mois la chute des cours mondiaux.
Les dernières enchères du Global Dairy Trade ne sont d'ailleurs pas là pour rassurer les exploitants. L'index des prix sur cette plate-forme d'enchère internationale a en effet de nouveau glissé de 0,5% le 20 juin dernier. selon l'économiste Doug Steel, de la banque centrale de Nouvelle-Zélande, avec ces enchères, «on remarque que les prix se sont installés durablement au-dessous de ceux d'il y a un an».
Collecte en hausse
«Les cours ont bien baissé, mais on est dans une phase de stabilisation depuis 15 jours», rassure Gérard You, économiste à l'Institut de l'élevage. Néanmoins, une remontée des prix semble être un scénario très optimiste au vu de la production qui continue de croître dans l'ensemble des bassins laitiers mondiaux. Selon un rapport de l'USDA du 19 juin, les 23 principaux États américains producteurs ont collecté 16,4milliards de livres de lait en mai, soit une hausse de 2,1% par rapport à mai 2011. Ces mêmes États avaient déjà collecté 16milliards de livres en avril (+ 3,5% par rapport à 2011).
Selon le conseil spécialisé lait de FranceAgriMer qui s'est réuni le 19 juin dernier, la tendance est la même partout. Sur les deux premiers mois de l'année, la Nouvelle-Zélande a connu une hausse de sa production de l'ordre de 10,2%. L'Australie a pour sa part augmenté sa production de 3,7% sur les trois premiers mois, l'Europe de 4,5%. Dans le même temps, l'organisme français constate un déclin des exportations européennes de beurre (- 34%) et de poudre grasse (- 18%). Avec le pic de production automnale néo-zélandaise (premier exportateur mondial), la tendance «risque d'être très lourde en septembre», craint Gérard You.
En France, sur les six premières semaines de la campagne 2012/2013, la hausse de la collecte est estimée à 2%. Ainsi, «après s'être maintenues en début de campagne au-dessus de celles de la campagne précédente, la hausse de la collecte et la baisse des cours mondiaux entraînent une chute des prix du lait à des niveaux inférieurs à ceux de l'an passé», explique un communiqué de FranceAgriMer.
Les charges augmentent
Cette situation est aggravée par la hausse des prix des céréales, et donc de l'alimentation du bétail. L'indice des prix d'achat des moyens de production agricole (IPampa) a augmenté de 3,3 points entre avril2011 et avril2012, selon FranceAgriMer. Une situation qui pourrait auto-réguler la production mondiale, estime Gérard You. «Si le rapport du prix lait sur grain se dégrade, la production sera moins stimulante», explique-t-il. Et poutant, ce raisonnement ne fonctionne pas en France, car les producteurs de lait subissent déjà de «fortes charges structurelles. Malgré le prix de l'alimentation du bétail, leur intérêt n'est pas de réduire leur production», concède-t-il.
Les éleveurs laitiers s'attendent désormais «à une nouvelle baisse à la fin de l'année», explique-t-on dans le Poitou-Charentes. «L'année 2013 risque d'être au niveau de 2009», redoute-t-on déjà dans les exploitations.