Dans le Gers, un whisky gascon au parfum d’armagnac
La maison Veuve Goudoulin, à Courrensan dans le Gers, étoffe sa gamme en signant un whisky vieilli en fûts d’armagnac millésimé.
Devenue veuve en 1927, Jeanne Goudoulin dirigea seule, pendant plus de 40 ans, le domaine Le Clos du Presbytère à Courrensan, entre Eauze et Condom. C’est un chai exceptionnel avec une remarquable histoire et des millésimes rares qu’elle transmettra à son petit-fils, Christian Faure. Ce dernier développera l’activité et la notoriété de la marque avant de la céder à Michel Miclo, propriétaire d’une distillerie familiale en Alsace.
Dans les années 1990, la diminution de consommation des eaux-de-vie en France avait poussé la distillerie Miclo à se diversifier dans l’armagnac, avec le rachat, en 2003, du domaine Esquerre-Bounoure à Auch, et dans le whisky alsacien en croisant deux savoir-faire propres à la région : la production de bière et la distillation d’eaux-de-vie. Du whisky alsacien au whisky gascon, il n’y eut alors qu’une signature, celle apposée par Michel Miclo en 2009 lors de l’acquisition du Domaine Goudoulin, à Courrensan.
Sans doute pressentait-il que la complémentarité entre ces deux belles maisons artisanales pouvait donner naissance au single malt Veuve Goudoulin(1). D’autant plus qu’il trouvait un écho extrêmement enthousiaste auprès de son maître de chai œnologue et amateur de whisky, Aurélien Laye, bien installé au domaine après un parcours auréolé de plusieurs médailles d’or dans les grands crus classés de Provence.
Un tourbé dans l’alambic
Le whisky est une eau-de-vie de céréales fermentées. Chez Goudoulin, c’est la distillerie Miclo qui fournit l’eau-de-vie à 60-70° obtenue par distillation d’un brassin d’orge pur malt — orge germée artificiellement, séchée et torréfiée — rigoureusement sélectionnée. Cette eau-de-vie est ensuite vieillie trois ans dans des fûts de chêne gascon pédonculé ayant contenu des bas armagnacs millésimés.
«Si l’alambic et l’art de la distillation forgent le caractère et la typicité du futur whisky, sa palette aromatique finale trouve son origine au contact de ce bois qui a fait naître des armagnacs d’une rare finesse», relate l’œnologue. La douceur du fût d’armagnac estompant la brutalité originelle du whisky, le maître de chai a fait, depuis 2015, différents tests sur des barriques de 5 à 15 ans de vieillissement de différents millésimes.
«Durant les 3 années d’élevage, on suit scrupuleusement le cahier des charges du whisky alsacien. On réduit très progressivement à l’eau osmosée, une eau pure sans résidus indésirables, à 43,2°, le degré de référence auquel l’équilibre est le plus ajusté. On déguste, on assemble quelques barriques, on élimine parfois, on mélange plusieurs millésimes.»
Un minutieux travail conclu en octobre 2019 par une première cuvée de 1.200 bouteilles de 70 cl à l’étiquette vintage. Ce whisky est rond en bouche, puis «il s’adoucit dans une longue finale et laisse sur les papilles une très agréable empreinte de croustade à l’armagnac.»
Un gin pour compléter la panoplie
Très satisfaits du beau succès des ventes et afin d’étoffer la gamme de leurs produits, Aurélien Laye et la famille Miclo ont créé un gin Veuve Goudoulin. Spiritueux à la mode et très prisé en mixologie pour la préparation de cocktails, le gin s’élabore sensiblement selon le même processus. «On fait macérer dans un alcool neutre différentes épices — baies de genièvre, cardamome, angélique, coriandre — pour que les molécules aromatiques parfument l’alcool. Après redistillation, on apporte notre marque de fabrique en le faisant vieillir dans une petite maturation de finition en fûts d’armagnac pour obtenir un gin légèrement blond qui titre 43,2°.»
Dans les tuyaux de l’alambic, une variante haut de gamme pour les amateurs de whisky tourbé à la saveur fumée si caractéristique : l’orge germée est torréfiée en brûlant un agglomérat de végétaux et de terre en décomposition libérant des phénols qui aromatiseront le malt vert.
Gilbert Delahaye
1. Un single malt est un whisky produit uniquement à partir d’orge maltée et issu d’une unique (single) distillerie. L’AOC du whisky en quelque sorte, contrairement au blended whisky qui assemble différents types de whiskies provenant de plusieurs distilleries.